Debout l’Europe, de Daniel Cohn-Bendit et Guy Verhofstadt

« Nous critiquons l’Europe telle qu’elle est, aussi radicalement que les eurosceptiques, mais notre conclusion est radicalement différente », confie Guy Verhofstadt à Jean Quatremer à propos du manifeste co-écrit avec Daniel Cohn-Bendit.
Se révolter ou s’adapter, il n’y a guère d’autres choix dans la vie. Confrontée à la crise économique, l’Europe, bastion d’Etats-nations que l’on essaye tant bien que mal de faire converger, à récemment montré ses limites. Au chevet de « l’Union Européenne en état d’achèvement mortifère », Daniel Cohn-Bendit et Guy Verhofstadt nous livrent leur vision des choses dans une incisive profession de foi: Debout l’Europe, Manifeste pour une révolution postnationale. L’heure est au fédéralisme. A l’unité politique et économique.
En 2008, éclate une crise mondiale. Seize ans après l’adoption en Europe du traité de Maastricht, qui met notamment en place la monnaie unique ( en usage dès 1999 pour les transactions financières européennes, l’Euro est mis circulation le 1er janvier 2002 sous sa forme fiduciaire). Mais ce n’est pas une crise grecque. Ni une crise du Portugal, ni de l’Espagne, ou bien de l’Italie ou de l’Irlande. Cette crise, que l’UE ne gére absolument pas, est structurelle.
« Les Etats-Unis ont une dette supérieure à celle des États Membres de la zone euro, mais cela ne fait apparemment aucune différence pour la valeur du dollar », remarquent Daniel Cohn-Bendit et Guy Verhofstadt avant de rajouter: « Aussi, malgré le fait que la dette au Japon soit la plus élevée au monde, les japonais paient aujourd’hui des taux d’intérêts les plus faibles au monde. Pourquoi ? La réponse réside dans le fait qu’une autorité solide, un seul gouvernement et une seule Administration soutient le yen et le dollar. »
Ce n’est qu’un constat: la zone euro manque de solidarité, ce qui ne rassure légitimement pas les marchés. Il suffit de se remémorer tous ces débats autour de la dette de la Grèce. Doit-on intervenir ? Lui venir en aide ? L’exclure ?
A l’époque, le mauvais élève est pointé du doigt et lâchement vilipendé sur la place publique. Mais les prêcheurs de leçons bénéficiaient-ils d’une quelconque légitimité professorale ?
Depuis la création de l’UE, quasi tous les états membres n’ont eu de cesse d’enfreindre les règles qu’elles se sont imposées, les reléguant de fait à de simples recommandations. De nouveau, comment les marchés peuvent-ils ainsi avoir confiance en l’Europe ?
« La zone euro ne souffre toutefois pas uniquement de ce manque de solidarité. La discipline y est également défaillante, alors qu’elle constitue la seconde condition nécessaire à la pérennisation d’une zone monétaire (…) Personne ne croit plus dans la méthode intergouvernementale qui prétend que les États membres se contrôlent et se sanctionnent mutuellement. »
Un vieux bateau à la dérive, sans boussole ni capitaine. Le temps de l’Etat-nation est dépassé. Plus qu’un débat idéologique, l’Europe fédérale est une question de survie dans le monde globalisé du XXI éme siècle, afin de pouvoir se mesurer à la concurrence des mastodontes tel que le Brésil, la Chine, la Russie, l’Afrique du Sud (BRICS) et les Etats-Unis…
« L’Europe ressemble de plus en plus à un monument historique. Un continent marginalisé qui se bat pour survivre dans une nouvelle ère et un nouveau monde. Un continent frappé par un strabisme national sans ambition, sans espérance et sans espoir » et de renchérir, à propos des états membres: « Ce sont leurs instincts possessifs et leur conception bornée de la souveraineté qui ont fait de l’Europe ce qu’elle est aujourd’hui. Une entité hybride incapable de nous assurer un futur meilleur. »
Une union politique et économique est donc une nécessité. Dés lors, Daniel Cohn-Bendit et Guy Verhofstadt balisent « la voie vers cette autre Europe, l’Europe du futur, l’Europe des Européens» et proposent notamment de: « créer une grande Union fédérale avec des institutions européennes supranationales. D’institutions communautaires habilitées à définir la politique économique, budgétaire et fiscale pour l’ensemble de la zone euro. D’institutions dotées des outils permettant d’imposer le respect des règles du jeu, sans que les États membres ne puissent paralyser le processus. Concrètement, cela implique que nous transformions le plus rapidement possible la Commission européenne en un véritable gouvernement européen avec des ministres européens que nous appelons aujourd’hui commissaires. Ils seraient contrôlés par un Parlement européen aux compétences renforcées, dont le droit d’initiative législative.» Le changement de paradigme est radical.
Sans concession, le manifeste aborde, critique et analyse toutes sortes de questions, y compris l’épineuse intérrogation de l’identité européenne: Une Europe fédérale est-elle possible alors qu’il n’existe pas d’identité européenne, mais une juxtaposition d’identités nationales ? Plus encore, il pose les bases d’une nouvelle Europe. La révolution est comme une bicyclette, quand elle n’avance pas, elle tombe. Daniel Cohn-Bendit et Guy Verhofstadt tapent donc un bon coup dans la fourmilière afin de susciter le débat, mais avec cette volonté de faire réellement bouger les choses. C’est « l’utopie-plausible » de Daniel Cohn-Bendit. Et vous, vous y croyez ? Vous, citoyen Européen…
Pour aller plus loin, dans les coulisses de Bruxelles: 
The Brussels Business, la version non officielle de l’intégration européenne.  Un documentaire qui retrace l’influence grandissante des lobbies sur le processus de décision dans les institutions européennes. Aujourd’hui, plus de 15 000 lobbyistes gravitent autour des institutions:  "Il y a un autre monde derrière tout cela, qui consiste à influencer les institutions, à faire un texte, à donner une idée", confie dans le film l’un d’entre eux. Mais qui sont ces lobbyistes? Pour quels intérêts travaillent-ils? Et quel est leur impact sur le développement d’une démocratie qui s’opère au niveau transnational? " Notre point de départ n’est pas de critiquer le lobbying en soi. De tous temps, l’influence d’acteurs externes opérant dans les corridors du pouvoir a existé et existera encore", soulignent Friedrich Moser et Matthieu Lietaert, les réalisateurs,  avant de rajouter: " Souvent leurs informations sont très utiles. Le problème que nous voulons souligner au travers de ce film est le manque de régulation contraignante de ces acteurs." Leur inscription sur un registre n’est pas obligatoire. D’où un manque de transparence… Pour plus d’infos, cliquez ici !

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