L’état de la presse en 2013, Pew Research

Le Pew Research dévoile son rapport sur l’état des médias en 2013. Outre le fait que la perte des revenus publicitaires du papier n’est toujours pas compensée par les recettes des annonces en ligne, l’étude souligne un désintérêt des lecteurs envers leur titre. La raison: une déception envers les contenus de la presse, tant du point de vue qualitatif que quantitatif. La cause:  les massifs licenciements dans les rédactions confrontées aux difficultés économiques du secteur. Mais est-ce bien la seule et unique raison ?
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C’est le jeu de l’offre et de la demande. Avant le web, les annonces publicitaires, ( y compris les petites annonces, cf notre article sur le double marché), ne disposaient que d’un espace restreint: celui des pages des journaux. Limitées, les places se négociaient à prix d’or. Des pubs pour lesquelles les marketeurs, John Wanamaker en tête, disaient ironiquement : « la moitié de l’argent que j’investis ne me rapporte rien. Mais le problème, c’est que je ne sais quelle moitié. » De nos jours, et avec l’aide de nombreux outils du web, il est maintenant possible de bien identifier l’efficience des campagnes publicitaires.
En outre, au niveau format publicitaire, la restriction n’est aujourd’hui plus de mise, sur la toile. Image fixe, e-mailing, vidéo interactif, etc. les rafraîchissants délires artistiques des agences de communication possèdent dorénavant un terrain de jeu des plus propices. De même, l’espace pouvant les accueillir, sites, moteurs de recherches, réseaux sociaux, blogs, a fortement augmenté. L’offre à donc dépassé la demande et les prix ont chuté.
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A la conquête du PayWall, nouvelle source de revenue en pleine expansion. Différentes recettes ont vu le jour:  tandis que sur certains sites seuls certains articles sont payants, d’autres ont préféré opter pour un quota de lecture gratuite. En d’autres termes, tout le site est gratuit, mais à raison de quelques papiers par mois. Au delà, il faudra payer. Une méthode qui semble porter ses fruits et sur laquelle les éditeurs fondent de grands espoirs, comme le confirme le rapport: « Going forward, many news executives believe that a new business model will emerge in which the mix between advertising and circulation revenue will be close to equal ». En somme, un partage des revenues entre les annonces publicitaires et le mur payant (PayWall), qui d’ailleurs serait un incitant à la production de meilleurs articles, plus fouillés, d’une analyse plus approfondie, etc.: «  The rise of digital paid content could also have a positive impact on the quality of journalism as news organizations strive to produce unique and high-quality content that the public believes is worth paying for. »
Cependant, qui va écrire ces papiers ?
En effet, confronté à des difficultés économiques, les rédactions arborent aujourd’hui un effectif équivalent aux années 1978, un état que semble ressentir les lecteurs: Un tiers des Américains auraient ainsi renoncé à s’informer sur leur média parce qu’ils sont déçus par les contenus de leurs journaux favoris, à la fois en termes de quantité et de qualité.
« Nearly one-third of the respondents (31%) have deserted a news outlet because it no longer provides the news and information they had grown accustomed to. »
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La fuite de ces lecteurs est d’autant plus effrayante qu’il s’agit des habitués, qui plus est les plus éduqués, les plus fortunés et ceux qui, par conséquent, sont les plus informés sur la crise que traverse actuellement la presse. Mais pourquoi ce « consumer’s news diet » ?
Aujourd’hui, une des principales sources d’informations sont les amis, la famille et les entreprises. La presse est assaillie de tant de nouvelles qu’elle ne peut tout traiter, surtout avec un effectif qui ne cesse de diminuer ( et ce n’est pas l’algorithme rédactionnel du magazine Forbes qui peut suppléer tout le travail des journalistes,The robot journalist: an apocalypse for the news industry?, comme le titrait The Guardian en mai 2012).
Partant, des entreprises, tout comme les agences gouvernementales, les ONG, ou les instituts spécialisées dans des domaines comme la science, la santé  etc., se sont attelées à produire eux-même leurs contenus. Parce que le numérique offre clefs en main une multitude d’outils de plus en plus simple à utiliser, que les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Google+, etc.) permettent de se rapprocher des gens et de converser directement avec eux, ils sont devenus des médiums. Les habitudes ont donc changé et pléthore de gens ne passent dorénavant plus par le filtre de la presse.
Une réponse philosophie-comptoir de bar. Si les journaux, média si l’on prend en compte leurs extensions web, n’étaient pas assez pugnaces. S’ils manquaient de combats. Si ces derniers n’avaient plus la gouaille qui les a autrefois propulsé au rang de chiens de garde de la démocratie. Si la presse manquait irrémédiablement à son rôle de 4 iéme pouvoir. Si la presse arrêtait de tenter d’être vainement objectif pour devenir un journal-parti. Pas dans l’acceptation parti politique, mais dans le sens afficher clairement un point de vue, et le défendre. Le tout servi par des plumes de l’actualité. Des journalistes « prophètes, pasteurs d’idées », comme l’explique Balzac, « des hommes d’esprit, de bons mots et de propos à battons rompus », comme le renchérit Zola. Des « muckrackers », des fouteurs de merde.
Au plaisir d’être informé, éclairé, avec un style propre à nous faire évader le temps d’une lecture vidée de tout stéréotype d’écriture journalistique. En somme, renouer avec cette aura, cette chimérique et enviée image que les journalistes ont jadis gravé dans nos esprits. Et rappelez-vous la leçon du palmipède: « La liberté de la presse ne s’use que quand on ne s’en sert pas »
Pour aller plus loin:
- Derrière ces deux articles sur le journalisme web, la notion du « slow web » (qui n’est pas explicitement abordée). Et si nous n’étions plus des esclaves du temps réel ? Et si nous n’étions plus si SEO friendly ? Et si une véritable forme de journalisme, sur la toile, naissait ? Le premier article attrait au pillage de l’info sur le web, le second est un témoignage sur le travail de ceux qu’on a qualifié de « forçats du web »
- Campagne électorale américaine 2012, Obama/ Romney, et la fin de la domination des médias dans le traitement de l’actualité politique…

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