Vulgarisation scientifique, Improbablologie et au-delà, de Pierre Barthélémy

Ah, la science ! Entre la mouche qui pète des Nuls et le boson de Higgs, il y a une frontière que beaucoup pense ne pouvoir franchir. « La science, c’est cette obscure discipline qui, de chiffres en conceptions et en principes, parle une novlangue qu’il m’est impossible de déchiffrer. » Vulgarisateur scientifique, Pierre Barthélémy, connu pour son excellent blog « Passeur de Sciences », prend le contre-pied de cette tendance et affirme qu’avec « la science on peut aussi avoir de belles histoires d’humour. » Bienvenue dans son univers, l’improbablologie.

Chaque semaine, dans sa chronique « Improbablologie », Pierre Barthélémy exhume pour le supplément « Science & Techno » du Monde, des articles sur des recherches toutes plus saugrenues les unes que les autres. Le but de cette chronique, selon son auteur: « Faire sourire, puis réfléchir. Voir comment la méthode scientifique est capable de répondre à de multiples questions, aussi absurdes ou cocasses soient-elles. »

Le curieux lecteur apprend que, oui, Indiana Jones dans le temple de cristal aurait pu survivre à une bombe nucléaire dans un réfrigérateur en plomb, que la toile d'araignée de Spiderman peut arrêter un wagon de métro, que l’on juge mieux un musicien par l’image que par le son, qu’un témoin alcoolisé est fiable, que la chaussette est l’arme anti-verglas, etc.

Au fils des pages d’improbablologies, illustrées par de désopilants dessins signés Marion Montaigne ( vulgarisatrice scientifique et auteure de « Tu mourras moins bête »), le néophyte découvre notamment que les scientifiques n’hésitent pas à utiliser leur corps pour le bien de leur discipline. Sans doute car de grandes idées nécessitent des dévouements tout aussi important.
Il y a Evan O’Neill Kane, chirurgien qui, afin de prouver que pour certaines opérations une anesthésie locale, moins dangereuse que son homologue totale, était suffisante, s’est opéré lui même d’une hernie et d'une appendicite. Il y a également William J Baerg, ce zoologiste qui s’est fait mordre par des araignées, comme une veuve noire ou une mygale, etc. pour prouver qu’elles ne sont pas mortelles. Sans oublier Giles Brindley qui, lors d’un colloque d’urologie en 1983 baissa sa culotte afin de montrer, à un public ébahit, les effets de la papavérine qu’il venait d’injecter dans son propre pénis, l’érection médicamenteuse. Ou encore ce couillu médecin qui s'est écrasé ses bijoux de famille afin d'évaluer cette douleur, etc. « Le sacrifice de soi est la condition de la vertu, » disait Aristote. Mouais...


En 1973, le docteur Myron L. Fox donne une conférence sur  « La théorie mathématique des jeux et son application à la formation des médecins. » Une passionnante diatribe donnée par un homme qui semble habité par son sujet. Son style est vif, teinté d’humour, bourré de références. L'audience est conquise, elle boit chacune de ses paroles, s'étonne et s'interroge. Quelle passionnante théorie. Sauf que le docteur Fox n'existe pas. Que le discours n’est qu’un ramassis de références inappropriés. Sophiste, parmi les sophistes, ce « fantastique Mister Fox » a bel et bien piégé son assistance, pourtant composée d’experts.

Si la martingale boursière était simplement le fruit du hasard ? Pléthore de modèles mathématique sont mis au point afin de prévoir le comportement quotidien, à la hausse ou à la baisse, des marchés. Un « scientisme » ou le hasard ne peut avoir sa place. Pourtant, entre un trader aguerri, goulûment élevé aux algorithmes, et un novice qui utilise la recette financière du « au petit bonheur la chance, » le taux de réussite est équivalent. Les deux auteurs de cette étude sont aussi connus pour avoir proposé que le « parlement travaillerait mieux si une fraction importante des représentants du peuple étaient tirés au sort dans la population, puisque ces députés ou sénateurs aléatoires obligeraient les professionnels de la politique à œuvrer dans l'intérêt du plus grand nombre et non pas pour leur seule clientèle. » De même que le hasard, le tirage au sort de personnes accédant à une promotion au sein des entreprises, afin de combattre le principe de Peter, pourrait être envisagé. 

Parce que nous avons plus tendance à mentir dans l'après-midi que dans la matinée ; parce que l’homme marche à en moyenne à 5.51 km/h, tandis que la femme affiche une vitesse de 5.18 km/h, qu’en compagnie de sa dulcinée l'homme calquera son pas sur le sien, alors qu’avec une amie la marche sera un compromis de 5.33 km/h ; parce que, pour le bien être de notre descendance, Messieurs, le port du kilt devrait être envisagé ; parce qu'un individu apeuré su et exhale un caractéristique « parfum », différent des effluves émises lors d'une activité physique, et qui est perçu par ses congénères: oui, la peur se communique aussi par l'odeur, etc. ; parce que tout cela et bien d'autres choses, « Improbablologie » peut devenir votre livre de chevet. D'ailleurs, connaissez-vous les grossesses gazeuses ? Et la conception, oui la conception, orale ? Savez-vous que l’argent est un analgésique ? Connaissez-vous l'effet placebo du prix ? Savez-vous qu'un homme souffrant d'anosmie est incapable de draguer ? Savez-vous que les pigeons sont aussi des experts en art ? Savez-vous que la saucisse ne contient quasi pas de viande (entre 2,9 % et 21,1 %), mais une impressionnante quantité d'eau ? Faut-il mieux étudier assis ou allongé ? Ah, l'être humain peut, tel Jésus sur le lac de Tibériade, marcher sur l'eau. A condition, certes, que la gravité ne dépasse pas 22 % de la gravité terrestre

Matières à réflexion, les très courtes chroniques de « Improbablologie » sont des sourires. Si vous souhaitez faire travailler vos méninges et vos zygomatiques, si vous souhaitez briller en société, engouffrez-vous dans cette méconnue et enrichissante branche de la science: l'improbablologie. Improbablologie et au-delà, Nouvelles chroniques de science improbable, 2014, Dunod, 179 pages, plus d'infos, cliquez ici !

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