Coupe du Monde au Brésil: heurts et malheurs

« FIFA go home ! » Élections truquées, détournements de fonds, corruptions, atteintes à la souveraineté des pays hôtes, à la liberté d'expression, la FIFA arbore un CV qui ferait pâlir les plus puissantes institutions mafieuses. La faute à qui ?
A Sepp Blatter, vous disent certains, à Joao Havelange, président de la FIFA en 1974, vous rétorquent d'autres. Les dérives sont inhérentes au foot et au sport en règle générale, vous répondent les derniers. Bien avant 1974, on parlait déjà de pots de vins, de frais de transferts honteusement élevés, de dopages, de trucages, comme l'explique Michel Caillat.

« Plus vite, plus haut, plus fort » et toujours plus dopé. Le 27 juin 1924, lors du Tour de France, Albert Londres retranscrit dans un article de « Le Petit Parisien » les paroles de trois célèbres coureurs cyclistes, Henri et Francis Pélissier et Maurice Ville:  
« Les Pélissier n'ont pas que des jambes ils ont une tête et, dans cette tête, du jugement.
- Vous n'avez pas idée de ce qu'est le Tour de France, dit Henri, c'est un calvaire. Et encore le chemin de croix n'avait que quatorze stations, tandis que le nôtre en compte quinze. Nous souffrons du départ à l'arrivée. Voulez-vous voir comment nous marchons ? Tenez.
De son sac, il sort une fiole :
- Ça, c'est de la cocaïne pour les yeux, ça c'est du chloroforme pour les gencives.
- Ça, dit Ville, vidant aussi sa musette, c'est de la pommade pour me chauffer les genoux.
- Et des pilules ? Voulez-vous voir des pilules ? Tenez, voilà des pilules.
Ils en sortent trois boites chacun.
- Bref ! dit Francis, nous marchons à la « dynamite » ? » (« Le Tour de France, les Pélissier et leur camarade Ville abandonnent, Beeckman gagne la troisième étape »)


Alors, non, le sport n'était donc pas plus propre avant. Il y a toujours eu des problèmes de dopage. 
Alors, non, ce n’était pas mieux avant. Évitons les complaintes du nostalgique qui, les yeux dans le vague, ressasse péniblement ses « ah, de mon temps » dans un lancinant soupir. Pourtant, en mars 2012, la FIFA, une association à but non lucratif (et qui brasse d'une façon opaque des millions d’euros), fait voter une loi au Brésil (qui dispose d’un Parlement démocratiquement élu). 
Disons qu’avant, c’était sans doute moins pire. Quoique…

Satisfaire les exigences et les intérêts de la FIFA ainsi que les sponsors officiels de la compétition. Sous la pression de la FIFA, le parlement brésilien capitule et adopte en 2012  la « Lei Geral Da Copa ». Cette loi générale de la Coupe, dictée par la fédération internationale de football, impose ainsi des mesures draconiennes: Augmentation des prix des places, exemptions d'impôt et de charges fiscales pour les entreprises partenaires de la fédération, interdiction pour les bars aux alentours de retransmettre les matchs, interdiction de faire de la pub en mentionnant ou en faisant allusion à cette compétition et au football en général, prière de ne pas se moquer de cette noble institution ou de ses sponsors chéries, imposition de jours fériés aux villes hôtes lors des matchs de l'équipe Brésil. Plus encore, après 10 ans d'abstinence, le Brésil est contrainte d'autoriser la vente d'alcool dans les stades. Enfin, comme le rapporte Libération« la Fifa entend avoir une impunité complète pour tous les préjudices causés aux individus, aux entreprises et aux institutions durant la compétition. L’Etat fédéral brésilien aurait donc la responsabilité pour «tous les types de dommages résultant de tout type d’incident et accident de sécurité en relation avec les événements». Ainsi, il pourrait être amené à rembourser la Fifa et ses partenaires commerciaux en cas d’attentats, d’accidents résultant du crime organisé, catastrophes naturelles, etc

Vers un renouveau ? Les plus optimistes pérorent, par exemple, sur l'alter-foot, ou sur le football participatif: de ces clubs gérés par les supporters, ou les internautes. Si cette forme de gestion marquait le point départ d'une renaissance ? Si ce modèle alternatif permettait de revenir aux vertus originelles du sport, délivré du joug de l'argent ? 
Le paradoxe de l’échelle. Toutefois, ce qui est vraie à une petite échelle se vérifie-t-il lors de la généralisation ? Ces expérimentations ne sont-elles pas condamnées à rester isolées ? Pour Michel Caillat, le sport est, dés l’origine, intrinsèquement mauvais et gangrené par le fric et l’esprit de compétition. 

Quid des valeurs que véhiculent le sport: le fair-play, la non violence, la loyauté, l’humanisme, la pureté, etc.? Que fait-on de l'idéologie sportive, que les médias nous rappellent à chaque épisode foireux dans le monde de la sudation et du dépassement de soi ?
N'oublions pas que le foot, c'est un combat, un affrontement entre deux équipes. N'oublions pas que le sport, par définition, c'est une compétition: que le meilleur gagne. Derrière toute activité physique de haut niveau il y a une certaine forme de violence, qui est cependant maîtrisée, encadrée. Il faut arrêter de faire porter au sport des valeurs qui ne sont pas les siennes, dispose Michel Caillat.


Moi qui n'aime d'habitude pas le foot, je regarde, et avec une certaine alacrité, je l'avoue, la Coupe du Monde ; ce rendez-vous planétaire entre toutes ces nations. Toutefois, comme beaucoup, je regarde en ayant conscience des scandaleuses coulisses qui l'accompagne. En guise d'exemple, ce webdocumentaire financé via Kisskissbankbank ( une plateforme de crowdfunding), « Copa para quem ? Les dessous de la Coupe du Monde »



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