Deviens qui tu es, Ataraxie, et quelques ouvrages d'Irvin Yalom...

"Deviens qui tu es !", s’exclame Nietzsche dans "Ainsi parlait Zarathoustra". Ce principe signifie-t-il que le destin de chacun est gravé dans le marbre. Figé. "Maktub": c’est écrit; à jamais rédigé par "on" sait qui. "Les propos de Nietzsche sont souvent tels un test de Rorschach": ils offrent "tellement de prises possibles que c’est l’état d'esprit du lecteur qui" détermine ce qu’il en retient. "Il n'existe pas de chemin tout tracé, la seule vérité est celle que nous découvrons nous-mêmes,"s’exclame ce même philosophe sous la brillante plume d’Irvin Yalom. En fait, les questions auxquelles vous pouvez répondre sont: Encore et toujours, seriez-vous prêts à recommencer la vie que vous avez vécue ? "Vivre notre vie de telle sorte que nous accepterions de la recommencer éternellement."


"Ne pas s'emparer du cours de sa vie, c'est réduire l'existence à un simple accident." Vivre pleinement sa vie, ne pas être dans les "je dois", et l’accepter, aussi. Et lorsque nous la contons à qui souhaite l’entendre, lorsque nous retraçons notre petit bout de chemin jusqu’à aujourd’hui, au lieu de dire: "cela fut", que l’on dise: "c’est ce que j’ai voulu". Etre acteur de sa vie, et non pas objet. "Volonté – c’est ainsi que s’appelle le libérateur et le messager de joie. C’est là ce que je vous enseigne, mes amis !", explique le poète-prophète Zarathoustra, imaginé par Nietzsche: "Mais apprenez cela aussi : la volonté elle-même est encore prisonnière. Vouloir délivre : mais comment s’appelle ce qui enchaîne même le libérateur ? « Ce fut » : c’est ainsi que s’appelle le grincement de dents et la plus solitaire affliction de la volonté. Impuissante envers tout ce qui a été fait – la volonté est pour tout ce qui est passé un méchant spectateur."
"Vivez pleinement la vie! L'horreur de la mort disparaît dès lors que l'on meurt en ayant vécu jusqu'au bout! Si vous ne vivez pas au bon moment, alors vous ne mourrez jamais au bon moment non plus," renchérit Irvin Yalom dans "Et Nietzsche a pleuré" avant de rajouter: "Avez-vous vécu votre vie ? Ou bien est-ce votre vie qui vous a vécu ? L’avez-vous choisie ? Ou avez-vous été choisi par elle ? L’avez-vous aimée ? Ou la regrettez-vous ? Voilà ce que j’entends lorsque je vous demande si vous avez vécu jusqu’au bout." 

Pour Epicure, le seul vrai bonheur est l’ataraxie. Qui, outre la possibilité de briller en société en éructant un mot que surement peu de personnes connaissent et usitent à longueur de journée- comme l’auteur de ce billet de blog avant la lecture de "Le problème Spinoza" d'Irvin Yalom - signifie "quiétude absolue de l’âme, idéal du sage". Autrement dit: sérénité, détachement, élimination de tous vos soucis et de toutes vos inquiétudes. 
Comme l’explique Yalom, de la bouche de l’un de ses protagonistes - un professeur du nom de Van Den Euden dans "Le problème Spinoza": "Pour Épicure, l’ataraxie est le seul vrai bonheur (...) Si Épicure s’adressait à vous en ce moment il vous inciterait à vous simplifier la vie. Les garçons (qui sont les élèves de Van Den Euden dans l'ouvrage de Yalom, ndlr), vous avez peu de besoins, ils sont faciles à satisfaire et toute souffrance utile peut être aisément supportée. Ne vous compliquez pas l’existence en vous fixant des objectifs aussi terre à terre que la richesse et les honneurs : ce sont les ennemis de l’ataraxie. Les honneurs, par exemple, sont liés à l’opinion que les autres ont de nous, ils supposent que nous vivions comme les autres le souhaitent. Pour atteindre aux honneurs et les conserver, il nous faut aimer ce que les autres aiment et quel que soit ce qu’ils rejettent, le rejeter. Alors, une vie d’honneurs ? Une vie en politique ? Fuyez cela. Et la richesse ? De même ! Elle est un piège. Plus on possède, plus on veut posséder et plus profonde est la tristesse quand nos désirs restent insatisfaits. Écoutez-moi, les garçons : si c’est le bonheur que vous cherchez, ne vous gâchez pas la vie en vous battant pour ce dont vous n’avez pas vraiment besoin."

Plus facile à lire et à comprendre qu’à faire. Une pincée d’utopie qu’il est oh combien difficile de saupoudrer sur une réalité oh combien terre à terre: faite de contraintes, d’obligations, de "je dois", "tu dois", "il doit". 
Effectivement, peut-être est-ce le cas.
Et si vous vous retourniez et que vous lanciez un regard interrogateur sur votre vie - personnelle, professionnelle - souhaiteriez-vous la recommencer ? Encore et toujours. Assurément, il y a eu des moments de galères, des moment de joie. Des épisodes "le peigne cassé" de Monsieur Jean-Jacques Rousseau - autrement dit des moments d’injustices, légers ou importants. 
Ce qui me fait penser à ce devoir, explication de texte en français, que j'ai réalisé il y a maintenant dix-sept ans. Des heures durant, le cancre en français que j’étais avait planché pour comprendre et analyser un manuscrit abscond. Au final, j'ai pondu un papier qui, peu ou proue, ressemblait à quelque chose. Qui ne changerait pas le cours de littérature, mais qui tenait la route. J'en étais content. Dans un élan de générosité, je l'ai prêté à un camarade, qui, tel un moine copiste, avait religieusement - mot à mot - recopié mon analyse. Ce que j’ai su plus tard, lorsque, convoqués par l’institutrice, elle nous a rendu ce jugement de Salomon: "Si ce devoir a été fait à deux, je divise la note par deux. Vous êtes d'accord ?" Une juste interrogation, pour une injuste sanction. Je n’ai rien dit, si ce n’est porter un regard accusateur sur mon camarade de classe, en pensant que mes yeux pleins de mépris aurait crée en lui un sentiment de culpabilité. Quenini. Et c’est ainsi que ma note fut réévaluée à 8,5/20, toujours pas la moyenne...
Bref, et aujourd’hui, en étant qui vous êtes: "Avez-vous vécu votre vie ? Ou bien est-ce votre vie qui
vous a vécu ? L’avez-vous choisie ? Ou avez-vous été choisi par elle ? L’avez-vous aimée ? Ou la regrettez-vous ?" Et que souhaiteriez vivre ? Deviens qui tu es ! Alors, quel chemin allez-vous oser prendre ? Commencez à prendre un petit chemin. Une petite décision, puis une autre, et autre, et une autre. Adoptez donc ce principe de la méthode Kaizen (fusion de deux mots japonais "kai" et "zen" qui signifient respectivement "changement" et "meilleur" et qui est le nom d'une méthode de gestion de qualité): "Une solution imparfaite qui existe est de loin bien préférable à une solution parfaite qui n'existera jamais !"

Et si ces questions vous turlupinent, je citerai encore Irvin Yalom qui, sous les traits de Spinoza dispose: "Je ne crois pas que le questionnement soit une maladie. L'obéissance aveugle sans questionnement est la maladie (...) La force d'une conviction est sans rapport avec sa véracité."

Conseil de lecture que l'on m'a partagé, et que je vous partage à mon tour- tous du même auteur:
- "Le problème Spinoza," Irvin Yalom
- "Et Nietzsche a pleuré," Irvin Yalom
- "La méthode Schopenhauer," Irvin Yalom

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