Bienveillance: fausse mollesse, véritable remède et redoutable armure

Ce n’est pas parce que cela semble impossible que cela ne peut être vraie. Perdre ses repères habituels est déroutant ; mais ce n’est pas forcément un tort: cela peut signifier le début d’une nouvelle aventure, l’élargissement de son horizon. Et si nous perdions, le temps d’une lecture (et peut-être au-delà), nos repères ? Et si nous considérions que la bienveillance est susceptible d’agir à distance ; qu’elle peut même guérir des maux, apaiser la violence. Vous en doutez ? Vous avez probablement raison, et pourtant… 
L'ignorance provoque un tel état de confusion qu'on s'accroche à n'importe quelle explication afin de se sentir un peu moins embarrassé. C'est pourquoi moins on a de connaissances, plus on a de certitudes. Il faut avoir beaucoup de connaissances et se sentir assez bien dans son âme pour oser envisager plusieurs hypothèses, Boris Cyrulnik 

La bienveillance, une arme qui déstabilise 

Posez la question à votre entourage: qu’est-ce que la bienveillance, pour toi ? Des synonymes comme mièvrerie et mollesse se feront entendre dans une diatribe qui, ironiquement, se terminera par une référence aux bisounours ou au monde des petits poneys: c’est une fuite en avant, un refus de voir le monde tel qu’il est, vivre dans le mensonge ou dans le petit univers cotonneux des bisounours.

Au fond, c'est quoi la bienveillance ? "C'est d'abord s'intéresser aux autres, se rappeler qu'on est tous connectés, que pour être vraiment bien soi-même il faut être en harmonie avec les gens," explique Didier Van Cauwelaert, avant de rajouter : "C'est un plaisir solitaire aussi la bienveillance. C'est à la fois une armure, cela vous protège contre les effets secondaires du mal qu'on vous fait ou qu'on vous veut. Parce que si vous avez de la rancune, une envie de vengeance, cela va continuer à fabriquer des toxines en vous et finalement c'est l'adversaire qui gagne il continue à vous intoxiquer de l'intérieur. "

Si la haine répond à la haine, si le mal donne la réplique au mal, comment peut-il y avoir une fin ? Pour Didier Van Cauwelaert c'est impossible et : "c'est l'escalade. Cela ne mène nulle part. Si vous répondez par quelque chose de déstabilisant, vouloir le bien de quelqu'un, lui proposer autre chose, dans ce cas, vous le déstabiliserez. C'est une arme absolue parce que c'est une arme qui désarme". Ce n’est pas tout ! La bienveillance revêt d’autres formes: une arme tantôt magique ou mystique, tantôt pacificatrice et dont les incroyables effets sont d’aller vers un mieux-être et vers une baisse de la violence.

La bienveillance, une arme qui guérit 

Dans les années 2000, une étude sur "l’application clinique du pouvoir de l’esprit" est menée à l’hôpital Saint Luke de Kansas City, aux Etats-Unis.

"Le protocole est simple: on forme deux groupes, le premier composé de croyants divers, le second d’athées bienveillants, et on leur demande de se concentrer sur des numéros de lit. Ils ne connaissent ni les malades ni leur pathologie," explique Didier Van Cauwelaert dans son ouvrage "La bienveillance est une arme absolue", avant de renchérir: "Ils se contentent d’exprimer mentalement un espoir de guérison pour le 125 ou le 212. Et ce, à l’insu des malades. Portant sur un millier de patients, l’expérience met en évidence une baisse significative de la mortalité par cancer, une diminution de la pression artérielle, une amélioration des fonctions immunitaires et endocriniennes. Et on a pu constater que la prière des croyants comme les simples “bonnes ondes” envoyées par les athées semblaient avoir un effet comparable."

D'ailleurs, "cette incroyable faculté de la pensée humaine se vérifie dans un cas de figure beaucoup plus courant: l’effet placebo. En moyenne, 35 % de sujets traités à leur insu avec des substances neutres n’ayant aucune propriété thérapeutique, présentent des améliorations significatives, prouvant par là non pas que le médicament réel est inefficace, mais qu’il peut être significatif." Aussi, l’efficacité de l’effet placebo semble proportionnelle "à la puissance prêtée au traitement qu’on a illusion de suivre."

La bienveillance, une arme qui arrête une guerre 

"A la fin des années 1980, en pleine guerre entre Israël et le Liban, des universitaires américains lancèrent, sous le nom “projet international pour la paix au Moyen-Orient", une expérience tout à fait inédite, avec l’accord de l’Organisations des Nations unis. Il s’agissait d’envoyer sur les lieux ravagés par le conflit un commando de "rêveurs d’élite", entraînés à la bienveillance offensive, avec pour mission de se réjouir en éprouvant un sentiment de paix, comme si la guerre était déjà finie (...) Aussi incroyable que cela paraisse," raconte Didier Van Cauwelaert, "sur tous les lieux de combat traversés par cet escadron de “casques roses”, comme les surnommait le philosophe Jean-François Revel, la paix dont ils se félicitaient devenait une réalité. Arrêt des actions terroristes, baisse significative des attaques et des ripostes, respect spontané de trêves inattendues, fraternisation des factions rivales…"

La bienveillance, une arme qui calme un virus ?

Le virus qui sévit en ce moment a bien compris une chose fondamentale: être petit n’est pas une faiblesse. L’important c’est d'être organisé, d'être patient et de prendre son temps. Et si, nous aussi, à notre échelle (individuelle), nous faisions le nécessaire et que nous passions à l’action en utilisant cette arme absolue qu’est la bienveillance ?

Étymologiquement, la bienveillance veut dire "bien veiller / vouloir du bien". Que ses effets soient réels ou non, que vous y croyez ou non, nous pouvons faire comme si cela fonctionnait. Et si nous pratiquions, chacun chez soi, sans honte et sans crainte, la bienveillance ? Même 5 minutes ! Que risque-t-on ? Rien, et comme l’écrit Didier Van Cauwelaert, "à défaut de changer le monde du jour au lendemain, la bienveillance lui redonne des couleurs et compense les déceptions qu’il nous inflige." Déculpabilisons-nous, sortons nos plus belles pensées, colorons le monde et soyons bienveillant !

Données techniques: "La bienveillance est une arme absolue", Didier Van Cauwelaert, éd. l'Observatoire, novembre 219, 271 pages

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