Au coeur du génocide rwandais, " Tu leur diras que tu es Hutue"

Rwanda. 6 avril 1994. Le président Juvénal Habyarimana meurt dans un attentat. C’est le point de départ du génocide rwandais mené par les interahamwes, milice extrémiste créée par le MRND, le parti du défunt chef d’état d’origine Hutue!
Le pays s’embrase. Galvanisé par la RTML, « La Radio Télévision Libre des Mille Collines », nombre de Hutu rejoignent la formation dont le but est d’éliminer « l’ennemie intérieur ». En juillet, seulement trois mois plus tard, plus de 800 000 rwandais, et dont la majorité sont des Tutsi, trouvent la mort…
En avril 1994, Pauline Kayitare, 13 ans, vit paisiblement avec ses parents et ses frères et sœurs. Afin d’échapper aux génocidaires, la famille décide alors de se séparer. Pour Pauline, tout ceci semble irréel: « Les Tutsis ! Je sais que je suis Tutsie, mais je ne sais pas vraiment ce que cela veut dire ». Pourtant, avant de se séparer, sa mère la prend à part et lui prodigue un dernier conseil: « Ecoute moi bien ! Tu vas mentir pour sauver ta vie. Tu le dois. Tu n’as pas le choix: mentir pour sauver sa vie, ce n’est pas mentir. A partir de maintenant, tu diras partout que tu es Hutue [...] tu n’as pas l’âge d’avoir une carte d’identité » et peu identifiable.
Impuissante, Pauline vit donc au cœur de cette barbarie. Seize ans plus tard, elle rassemble ses souvenirs et raconte. Il est temps d’exorciser le passé et d’aller de l’avant.
« Tu leur diras que tu es Hutue » est un vibrant témoignage superbement écrit par Patrick May, qui nous plonge au milieu du génocide dans les yeux de Pauline. Un témoignage qui évoque les défis du pays au lendemain de la tragédie: la difficile réinsertion des Tutsis aux côtés des Hutues. Mais aussi : « la cohabitation entre les survivants, hantés par les souvenirs atroces, et les nouveaux venus, rentrés de la diaspora pleins d’énergie et de dynamisme, décidés à reconstruire coûte que coûte le pays de leurs ancêtres », comme le souligne à juste titre Colette Braeckman.
« Le récit de Pauline, c’est aussi, vue depuis l’infiniment petit d’un cas particulier, une grande leçon d’histoire. La fillette, confrontée à un malheur qu’elle est à cette époque incapable de nommer, reçoit, puis transmet, toutes les composantes de l’histoire rwandaise », explique Colette Braeckman avant de renchérir : « Dés le départ, les prémices du drame sont posées: des voisins vivent ensemble sur les collines,s' entraident, mais demeurent séparés par de secrètes jalousies ; l’attentat contre le président (surnommé Kinani, ndlr) sert de prétexte à mettre en œuvre un génocide depuis longtemps préparé, où les Tutsis deviennent soudain des “ennemis intérieurs” qu’il importe de faire disparaître jusqu’au dernier. »



Pour aller plus loin

Jeudi 5 décembre 2013, Damien Vandermeersch, ancien juge d’instruction qui s’est vu confié en 1995 les « affaires Rwanda », présente son livre « Comment devient-on génocidaire ? », à l’occasion d’une conférence débat organisée dans les locaux de la fédération Wallonie Bruxelles International. « Ma démarche était d’aller au-delà du devoir de réserve, de m’aventurer dans les complexités de l’être humain, » explique Damien avant de rajouter: « Derrière le juge, par définition impartial, c’est l’Homme qui a pris la plume. Passer au “je” n’a vraiment pas été facile. » 
« Raconter, c’est terrible, car raconter, c’est revivre, c’est réinscrire la souffrance dans son corps, dans son être, dans sa mémoire, c’est vivre encore l’impuissance de n’avoir pu empêcher que son enfant soit arraché et tué sous vos yeux (…) parler, c’est réactiver des souvenirs, c’est dire qu’on est vivant (…) alors que tous sont partis et qu’on aurait voulu les suivre, » POUR LIRE LA SUITE, CLIQUEZ ICI !

« Un peuple qui oubli son passé est condamné à le revivre, » W. Churchill. Vendredi 14 mars 2014, conférence sur le génocide Rwandais à la Fédération Wallonie Bruxelles. Le 6 avril 1994, peu avant son atterrissage à Kigali, l’avion qui transporte le président rwandais Hutu, Juvénal Habyarimana, est abattu par un missile. « Abattez les grands arbres, » scande alors Radio Milles Collines,  organe de propagande à la solde du premier cercle Hutu Akazu.  « Abattez les grands arbres, » annonce avec virulence Radio Milles Collines. Ces grands arbres, ce sont les Tutsi, mais également les Hutu modérés. Ces grands arbres, ce sont ceux que l’on qualifie d’ennemis. Ce ne sont plus ni des femmes, ni des hommes, ni des enfants, mais des animaux. Des cafards. Entre avril et juillet 1994, plus de 800 000 rwandais seront froidement massacrés. Vingt ans après, pourquoi ce génocide a-t-il eu lieu ? Quel a été le rôle des médias locaux ? Pour lire la suite, cliquez ici !

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