Le marché au Cameroun

Tout s'y trouve et tout s'y vend. C’est un torrent d'humanité qui s’entasse dans le marché d’Etoudi à Yaoundé - véritable corne d’abondance de la cité aux sept collines. Et pourtant la circulation humaine y est fluide. Cet immense "souk", c’est une ville dans une ville, avec ses coutumes et ses règles, et dans laquelle, bien entendu, tout se négocie. L’espace de ce supermarché à ciel ouvert est véritablement bien maîtrisé: une place pour chaque chose et chaque chose à sa place. 

Des hordes de chalands flânent à la recherche de la bonne affaire. Une foule de vendeurs propose ses produits (fruits, légumes, viande, poisson, etc.). On y voit des sourires, on y perçoit des petites invectives, des boutades, et on marche sur un sol boueux: mes chaussures blanche deviennent rapidement rouge de boue. On y entend des messages enregistrés sur des magnétophones qui vantent les mérites d’un produit et expliquent son fonctionnement. Pourquoi s'enquiquiner à répéter maintes fois le même discours ? 

Une tripoté de gens se croisent, se touchent. Et des voitures qui semblent sortir de nulle part se frayent un chemin à travers ces âmes errantes. Les klaxonnent retentissent. C’est blindé de gens et pourtant on ne se sent pas alpaguer, ni oppressé, ni stressé. Dans ce supermarché à ciel ouvert, tout se discute: aucun prix n’est fixé et fixe. 

On coudoie également des personnes avec une brouette qui te proposent de te suivre pendant tes courses en embarquant les fruits de tes marchandages. Au Cameroun, tout est opportunité. Le moindre créneau business est comblé: un service, une opportunité, un business est peut-être un mantra camerounais. 


Première impression:
ce marché est un véritable foutoir dans lequel règne une totale anarchie. Deuxième impression: c’est un chaos bien maîtrisé. Tout est codifié et sectorisé: un secteur poisson, un secteur épices, un secteur fruits et légumes, boucherie, etc. Rien n’est laissé au hasard. 

Une anecdote. Dans un autre quartier de la ville, la briqueterie, nous sommes allés avec un membre de la famille, Laurence, afin d’acheter des tissus. On repère quelques pièces qui nous intéressent et on faut semblant de n'être pas si intéressés que cela (chaque acteur dans cette pièce de théâtre de la négociation campe un rôle bien précis). Avec nos têtes de touristes, on nous déclare un prix exorbitant. Laurence se fait alors entendre: “C’est mon beau-frère et ma cousine, et tu veux les faire payer combien ? J’ai chaud, je suis fatigué, j’ai faim et soif, je n'ai pas le temps pour ça.” A ces mots, le gérant active la ventilation, donne quelques billets à un gamin qui revient rapidement avec de la boisson et de la nourriture. “Voilà, maintenant que tu n’as plus chaud et que tu as à boire et à manger, on peut parler, on peut négocier.” 
Finalement, nous avons payé le juste prix. 

Négocie avec moi et je te verrai qui tu es. Négocier, ici, c’est comme un prétexte pour échanger, engager une discussion, apprendre à se connaître un peu, et ne pas rester, l'un pour l'autre, des étrangers qui, simplement, troquent quelques billets contre un bien consommable. Cela rend le commerce humain. Cela préserve une tradition orale. Cela montre (révèle) qui tu es.

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