Gaz de schiste, ce miracle économique qui a du plomb dans l’aile

« La stratégie des compagnies pétrolières, gazières et minières est de faire en sorte que l’Etat reçoive le moins possible, tout en aidant à trouver des arguments expliquant pourquoi il est souhaitable, voire nécessaire qu’il reçoive si peu », Joseph Stiglitz, Un autre monde.
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Les arguments économiques, qui touchent au portefeuille, ont souvent un impact plus important que ceux qui concernent l’environnement. Court-terme, long-terme. « Le mirage du gaz de schiste » est un pédagogique pamphlet rédigé par un Thomas Porcher, économiste et spécialiste des questions relatives aux matières fossiles. Un à un, il démonte tous les mythes qui entourent l’extraction du « miracle » Etats-Unien.
Outre Atlantique, le prix du gaz est de 3 dollars par million de BTU ( British Thermal Unit, qui est l’unité de mesure du prix du gaz). Néanmoins, « Bell Dell du Bernstein Research à New-York estime que pour couvrir le coût total de la recherche, du développement et de l’exploitation de puits de gaz de schiste, il faut un prix compris entre 7,50 et 8 dollars par million de BTU, » explique Thomas Porcher, avant de rajouter que: « si le prix n’est pas tenable, cela signifie qu’il y a une bulle, c’est à dire une déconnexion des prix avec la réalité. » Cela sera inévitablement suivi d’un « réajustement brutal, l’explosion de la bulle. » « Ce que je peux vous dire, c’est que le coût d’approvisionnement n’est pas de 2,50$. Nous y laissons tous notre chemise aujourd’hui, nous ne faisons pas de profit. Tout est dans le rouge », avoue Rex W Tillerson, PDG et président d’Exxon Corporation, et à Aubrey McClendon, ancien PDG de Chesapeake Energy, de surenchérir: « C’est tout le secteur qui n’est pas rentable aujourd’hui. »
Néanmoins, cette extraction de gaz de schiste entre en concurrence avec le pétrole. Par effet de domino, le prix du baril de l’or noir ne peut que baisser. «Faux», répond Thomas Porcher. D’abord, « il ne faut pas négliger que sur le marché pétrolier il existe un cartel: l’organisation des pays exportateur de pétrole qui représente 40 % de la production mondiale ». L’un des rôles de l’OPEP est d’adapter la production de pétrole, diminuer ou augmenter l’offre selon la demande, afin d’agir sur les prix. Ensuite, « le pétrole n’est pas un produit standard et son coût de fabrication » varie selon l’endroit où il est puisé. Plus les coûts d’extraction sont élevés, plus le prix du baril de pétrole le sera. Il n’est de business sans profit.
Le gaz de schiste, ce saint Graal qui conduira les Etats-Unis vers l’indépendance énergétique ?C’est ce que pense l’Agence Internationale de l’Energie, si toutes choses étant égales par ailleurs, si rien ne change. « Les Etats-Unis seront le premier producteur de pétrole en 2020 s’ils continuent de forer au même rythme délirant pendant 20 ans ». Soit un rythme de forage de 70 000 puits par an, un toutes les huit minutes. Ce qui parait irréalisable. Comment le territoire américain pourrait-il le supporter ? Les ressources en eau seront-elles suffisantes ?, etc. D’autant que le forage de puits, même s’il permet à l’heureux propriétaire de percevoir une rente à long-terme sur le sol qui abrite ledit gaz, entraîne une diminution de 24 % du prix de l’immobilier dans un rayon de 2000 mètres.( Contrairement aux Etats-Unis, le français n’est pas propriétaire du sous-sol. Dés lors, aucune rémunération à vie n’est à espérer si jamais un gisement de gaz est décelé dans votre jardin.)
Quid des emplois créés ? « Quant aux emplois, il y a aux Etats-Unis 600 000 créations pour 500 000 forages, soit 1,2 emploi par puits. Sur cette base, il faudrait forer en France 30 puits par jour d’ici à 2020 pour atteindre 100 000 emplois évoqué par certains. »
Enfin, si nous adoptons tous la manière de consommer des américains, il nous faudrait 5 planètes pour y puiser toutes les ressources utiles. Nous devons donc modifier notre façon de vivre et  investir plus ardemment dans la transition énergétique, toutes ces énergies renouvelables. Et si cela ne fonctionne pas ? Comme l’expose Thomas Porcher: « On dit toujours que nous laissons une dette aux générations futures. Là, nous leur offrons un cadeau: le gaz de schiste », qu’ils pourront exploiter si jamais les techniques évoluent, si elles sont moins énergivores, et moins polluantes.
Pour aller plus loin:
- «Pour les cinq principaux gisements de gaz de schiste américains – ou champs dont la source est le même réservoir-, la productivité des puits a enregistré une baisse comprise entre 63% et 80% au cours de la première année. Après une seule année, les puits n’ont produit qu’entre 20% et 37% de leur production initiale, cette production baissant tout au long de la durée de vie d’un puits de gaz », rapport de Friends of The Earth Europe, 2013
- D’un point de vue plus environnementale. Au nom de la peur du tout nucléaire et de l’épuisement des ressources naturelles, faut-il forer les sols à la recherche de gaz de schiste ? Metteur en scène et réalisateur de fiction, Josh Fox répond « NON » sans concession. Et pour appuyer son propos, il nous livre un passionnant et effrayant documentaire: GaslandPour en savoir plus sur Gasland, cliquez ici !
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Insolite:
- « Un étrange projet, à la fois poétique et pratique, » Pégase, l’âne high-tech. «Il fait figure de pionnier. Nous l’avons présenté à des bergers qui n’ont pas toujours le courant en montagne, et notre monture faisait figure de lumière (…) Un âne se promène depuis une dizaine de jours en Macédoine avec, comme des grandes ailes, deux panneaux solaires fixés sur son bât. Les habitants sont invités à brancher leurs appareils électriques sur ce généreux animal : téléphone portable, batterie de voiture, radio, sèche-cheveux… », pour en savoir plus, cliquez ici !

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