La première impression, la bonne ? L'influence des comportements non-verbaux sur l'esprit
« Le même discours dans la bouche d'un homme obscur, ou dans celle d'un homme qu'on considère, produit des impressions bien différentes, » Euripide, extrait de Hécube.
« Vous n’aurez jamais une deuxième chance de faire une bonne première impression, » expose mathématiquement David Swanson. La première impression est toujours la meilleure, énonce de son côté la sagesse populaire, « surtout lorsqu’elle est mauvaise, » renchéri Henri Jeanson. L’impression, c’est ce: « sentiment, opinion de caractère immédiat, superficiel qui naît du premier contact avec quelqu'un ou avec quelque chose, antérieurement à toute réflexion. » L’impression, c’est donc ce langage corporel qui influence, de manière positive ou négative, nos relations pendant nos rencontres. Et si nos comportements non-verbaux pouvaient, outre sur autrui, agir sur notre propre esprit ?
La règle des 3V: Vocal, Verbal, Visual. Albert Mehrabian, professeur de psychologie, est le premier à établir que dans une discussion entre deux individus, par exemple lors d'un entretien d’embauche, trois éléments entrent en jeux: les mots ( Verbal), le ton de la voix ( Vocal) et le langage corporel ( Visual). Isolés, ces éléments n’ont toutefois pas tous la même portée, et Mehrabian arrive à la conclusion que ce sont les comportements non-verbaux qui prévalent. C’est la fameuse règle des 7, 38, 55 %, plus tard popularisée comme la règle des 3V ( Verbale, Vocale, Visuelle): 7 % de la communication est verbale (les mots), 38 % de la communication est vocale (intonation et son de la voix), 55 % de la communication est visuelle (langage corporel). Nous sommes donc extrêmement influencés par le langage corporel d’autrui, que nous en ayons, ou non, conscience. Cependant, nos propres comportements non-verbaux peuvent-ils agir sur notre esprit ?
Amy Cuddy, scientifique et chercheuse à la Harvard Business School, et qui s'intéresse à la dynamique du pouvoir (plus précisément aux « expressions non-verbales de pouvoir et de domination ») s'est posée ces questions: Peut-on feindre jusqu'à devenir celui qu'on a fait semblant d'être ? « Peut-on simuler pendant un temps et obtenir un résultat comportemental qui vous fasse sentir plus puissant ? Est-ce que les comportements non-verbaux influencent ce que nous pensons et ressentons pour nous-mêmes ? »
Au niveau facial, c'est un fait reconnu, notre esprit agit sur notre corps. Heureux ou malheureux, notre visage se révèle n'être souvent qu'une fenêtre ouverte sur nos sentiments. Ces yeux souriant ou mélancoliques, ce sourire joyeux ou crispé, ce visage détendu ou fermé, etc. sont autant d’indices qui dévoilent notre humeur, et dans laquelle les hormones ont un rôle important.
« Au sein de la hiérarchie des primates, » remarque Amy Cuddy, « les puissants mâles alphas ont beaucoup de testostérones et peu de cortisol. » Une observation qui se vérifie chez les « leaders efficaces et puissants. » Ainsi, la testostérone est bien l'hormone de la domination tandis que la cortisol est effectivement celle du stress.
Dés lors, afin de savoir si le corps peut influencer l'esprit, un test est effectué sur un groupe d’individu. A leur arrivée dans un laboratoire, chaque cobaye crache adroitement dans un flacon, afin d'évaluer leur taux de testostérone et de cortisol.Sans leur préciser si c'est une position de pouvoir ou de soumission, on demande à ces personnes d’adopter une certaine posture pendant deux minutes. « Ensuite, sur une une série de choses, nous leur posons cette question: quel degré de puissance ressentez-vous ? On leur donne enfin la possibilité de parier, et nous récupérons de la salive. » Les résultats sont que: « Concernant la tolérance aux risques: 86 % de ceux qui étaient en condition de pose puissante ont parié contre 60 % de ceux qui avaient pris une posture d'impuissance. » Aussi, les personnes qui ont adoptée une position de pouvoir ont une augmentation de prés de 20 % de leur taux de testostérone ( et une diminution de 25 % de leur taux de cortisol), tandis que les personnes ayant pris une posture d'impuissance accusent une baisse de 10 % de leur taux de testostérone et une augmentation de 15 % de leur taux de cortisol.
Après cette expérience, une autre est menée: le passage d'un entretien d'embauche très stressant, qui a donc pour conséquence physiologique une sécrétion accrue de cortisol, l'hormone du stress. L'entrevue est enregistrée et dure 5 longues minutes. Le groupe test est, de nouveau, scindé en deux. Une partie adopte une position de puissance tandis que l'autre adopte une position d'impuissance. Totalement impassibles, les juges sont formés pour ne pas avoir de réactions non-verbales. Sur base des vidéos, on demande ensuite à un groupe de recruteurs: selon vous, quelles personnes sortent du lot ? Lesquels de ces candidats souhaiteriez-vous embaucher ? Le résultat est que ceux qui avaient adoptés une position du pouvoir (avant de passer l'entretien) avaient les faveurs des chasseurs de tête. Ils avaient, en effet, mieux résisté à la pression, à cet afflux de cortisol. Et à Amy Cuddy, d'expliquer leurs choix« Ce n'est pas dans le contenu du discours, tout est dans la présence qu'ils apportent au discours.»
En résumé, il est possible de faire semblant pendant un temps avant d’incarner ce que l’on feint d’être. Aussi, opter pour « des poses de pouvoir, se tenir dans des posture confiantes, même quand nous ne nous sentons pas confiants peuvent changer les niveaux de testostérone et le cortisol dans le cerveau, et pourraient même avoir un impact sur nos chances de succès. »
Mais une position de quelques minutes peut-elle nous conditionner, influer sur notre façon de vivre sur le long terme ?
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