Pour le bien être de votre cerveau: sommeil et cuisine

7h30. Le strident son du radio réveil hurle un « bip bip » monocorde que des grognements, issus d’une voix sèche et caverneuse, n’arrivent à couvrir. Les yeux piquant et larmoyant, agressés par tant d’air et de lumière, s’ouvrent en direction de cette invention urbaine du coq des campagnesavec le secret espoir que la mécanique se soit déréglée et qu’il sera possible de grappiller quelques minutes de sommeil. Nous passons pourtant 36 % de notre temps dans les bras de Morphée. Un être humain de 90 ans pionce pendant 32 ans. Ce n’est, toutefois, pas la première réflexion qui nous vient à l’esprit au saut du lit. Il est trop tôt.
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Calvin, Hobbes, Bill Watterson

Le cheveux hirsute, le somnambule du matin se dirige d’un pas nonchalant vers la salle de bain: le lieux du réveil. Une douche, des vêtements propres, une flagrance de parfum, cette courtoisie grégaire.
Il est tôt. Toujours trop tôt. Plus automate qu’être humain, la matinée se passe de manière instinctive et irréfléchie. En vain, l’esprit tente de percer la couche de formol qui a engluée toutes les connexions neuronales pendant ces heures plongées dans les ténèbres. Sachant que nous avons 86 milliards de neurones, dont 16 milliards dans le cortex cérébral, qui est le site des fonctions comme la conscience et le raisonnement logique et abstrait, la tâche est ardue. (A noter qu’un rongeur, pour qui le nombre de neurones est proportionnel à la taille de son cerveau, devrait avoir une cervelle de 36 kilos, et un corps de 89 tonnes pour le supporter). Bref, un café est donc nécessaire.
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Devant cette tasse, le regard vide d’expression fixe, en fronçant les sourcils, tel un myope qui tente de voir au loin un horizon qui ne se dessinera jamais clairement devant lui, le paquet de céréales. Comme chaque matin, la lecture des mêmes ingrédients, aux mêmes noms aussi chimiques que douteux, captive Sisyphe.
En bruit de fond, la radio diffuse les infos matinales. L’oreille distingue des sons, des mots, qui ont l’air de former des phrases. Leurs cohérences buttent à la porte du cerveau. Comme si le dormeur avait perdu au cours de la nuit toute prétention à la compréhension de ses congénères qui pratiquent ce que l’on nomme: le langage. « Et si je m’étais réveillé dans mon lit, mais dans un pays étranger, » se demande-t-il, avant d’enchaîner, curieux et un brin réveillé, sur une autre question: «Au fait, pourquoi dormons-nous ?»
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Sleeping, de Moyan Brenn, flickr
« La société moderne nous prive de sommeil. Nous le retire (…) L’ampoule d’Edison éclaire la pénombre et traite notre sommeil en ennemie, » dispose Russel Foster, neuroscientifique circadien, dans son intervention « Pourquoi dormons-nous ? », conférence TED de juin 2013. Comme nous sommes fatigués, « nous avons besoin de stimulants, comme le café, la nicotine et d’autres drogues. » Dont l’effet néfaste est de tant aviver le cerveau que le besoin de repos ne se fait ressentir.Pourtant, il est important de dormir au moins 8 heures ( c’est une moyenne) par nuit.
Quand nous dormons, notre cerveau ne s’éteint pas et certaines régions y sont même plus actives que pendant notre phase d’éveil. Selon Russel Foster, le dodo à trois fonctions.
Une fonction de restauration: il y a notamment des gênes alloués à ce travail qui ne s’activent que pendant la phase de sommeil.
Une fonction de réserve d’énergie: brûler moins de calories.
Une fonction de traitement de l’information par le cerveau et de consolidation de la mémoire. Par exemple, « apprenez une tâche, ne dormez pas, et vous avez de forte chance de ne pouvoir la refaire le lendemain. »
Quelles sont les conséquences du manque de sommeil ? Elles sont nombreuses: une mauvaise mémoire, aucune créativité, on a une faible capacité de recul, on devient plus impulsif, plus irritable. Egalement la prise de poids: si on ne dort pas assez, la probabilité d’être obèse accroît de 50 %( en fait, le manque de sommeil provoque la libération de l’hormone de la faim, la ghreline, qui agi sur le cerveau en augmentant ses besoins en glucides, en sucre). Sans oublier le stress: « Les personnes fatiguées sont stressés, ce qui entraîne, sur le long terme, une diminution de leur immunité. Ces personnes ont donc tendances a avoir plus d’infections de toutes sortes », et sont plus enclines à développer un diabète de type 2 et des maladies cardio-vasculaires.
Comment combattre ce manque de sommeil ? « Le sommeil est dieu. Adorez-le.» (Jim Butcher) Afin de faciliter la transition vers le sommeil, « votre chambre doit être un refuge accueillant pour dormir », et de préférence plongée dans l’obscurité. Chaque soir, renouvelez l’air et laissez entrer un peu de fraîcheur. Aussi, « trente minutes avant d’aller vous coucher, réduisez votre exposition à la lumière », conseille Russel Foster, avant de rajouter: surtout, « n’utilisez pas vos smartphones, tablettes et ordinateurs qui pourraient exciter le cerveau. »
brainDes méninges boulimiques. Précisons que le cerveau, qui ne pèse que 2 % de la masse corporelle, consomme 25% de notre énergie quotidienne pour fonctionner ( si la ration journalière est de 2 000 calories, 500 lui sont destinés). «Les neurones coûtent beaucoup d’énergie. Dés lors, entre la taille du corps et la quantité de neurones, un compromis doit être effectué, » dispose Suzana Herculano-Houzel, neuroscientifique, lors de la conférence TED de juin 2013 « Qu’y a-t-il de spécial dans le cerveau humain ? ». Ainsi, un primate qui mange 8 heures par jour, peut avoir jusqu’à 53 milliards de neurones, « mais le corps ne peut faire plus de 25 kg. Pour être plus lourd, il doit avoir moins de neurones: 50 kg pour 45 milliards neurones ; 75 kg pour 30 milliards de neurones ; et 100 kg pour 12 milliards de neurones. » La solution serait de passer plus de temps à se ravitailler, « toutefois, cela devient dangereux et impossible: 9 heures par jour pour se nourrir semble être la limite pour un primate. »
Cependant, l’être humain pèse en moyenne entre 60 et 70 Kg et possède 86 milliards de neurones, comment est-ce possible ? « La réponse tient en deux mots: nous cuisinons, » explique Suzana Herculano-Houzel, et ce depuis 1.5 millions d’années. « Aucun autre animal que l’humain ne cuit sa nourriture. »
Grâce à la cuisine, et à la cuisson de nos aliments, nous tirons plus d’énergie de la même nourriture.« Cuire c’est pré digérer la victuaille hors du corps. » Nourriture qui devient plus molle, plus facile à mâcher et à transformer en bouillie dans la bouche, et qui sera totalement absorbée par les intestins. « Nous produisons donc beaucoup plus d’énergie en beaucoup moins de temps.  Nous avons, dés lors, plus de temps libre pour nos neurones. »
Métro, boulot, restau, dodo. On dort, on cuisine, et on prends soin de sa petite personne.

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