Aide humanitaire / Aide au développement: des repères, des définitions, des interrogations et des réponses

Qu’est-ce que l’aide humanitaire ? Sa finalité est-elle purement altruiste, et donc totalement indépendante de l'intérêt de ses bienfaiteurs ? Peut-on séparer l’aide humanitaire de l'aide au développement ? Quelques pistes de réponses. Quelques grandes dates à retenir.

L’aide humanitaire, une définition. « Il est généralement admis que l'aide humanitaire vise à sauver des vies, à alléger les souffrances et à assister des victimes en détresse, » dispose Marc-Antoine Pérouse de Montclos dans un article intitulé "Quelques éléments de définition et beaucoup de controverses" avant de renchérir: « Elle ne se limite pas aux pays du Sud et concerne aussi des actions de proximité dans le monde développé. L'assistance à des populations en danger de mort ne s'arrête pas non plus aux conflits armés. Elle s'étend également aux victimes de catastrophes naturelles et, dans son acception la plus large, à toute personne en péril, qu'il s'agisse de sinistres ou de situations de grande pauvreté. »

L’aide humanitaire n’est pas synonyme d’altruisme. « De l’aveu même des spécialistes et des praticiens, l’aide ne vise pas seulement à répondre à des besoins de base, à réhabiliter des régions en crise, à lutter contre la pauvreté et à garantir l’accès à des biens publics mondiaux, mais aussi à défendre des intérêts de politique étrangère, à pénétrer des marchés, à promouvoir les droits de l’homme et à faire étalage de sa solidarité, souvent en raison de liens historiques avec le pays destinataire de cette aide. »

L’aide humanitaire / l’aide au développement, une frontière floue. Mise en place lors d’une situation de crise exceptionnelle, de guerre, ou de catastrophe naturelle, l’aide humanitaire est une aide d’urgence et ponctuelle (contrairement au long-termisme qui anime l’aide au développement). Néanmoins, il est de plus en plus admis que l'Humanitaire ne peut pas et ne doit pas s'arrêter au moment d'une crise. Que son action doit s’entendre dans le temps. Qu’il doit exister un continuum temporel entre les opérations d’urgence et de développement, qui deviennent ainsi complémentaires. « Sous l'égide des principaux bailleurs de fonds institutionnels, au premier rang desquels l'Union européenne, une forme de consensus a fini par émerger. Il réconcilie les spécialistes du court terme et du long terme dans un même espace-temps, une sorte de "zone grise" indéfinie quelque part entre le moment de la crise et celui de la reconstruction. »

L'Humanitaire et les religions. « Au nom de la foi, aide ton prochain, » l’un des principes fondamentaux de toutes religions.

- L'Ancien Testament: Pratiquer la Tsedaka est une obligation à l’égard de l’étranger, de l’orphelin, du pauvre, de la veuve.
- Le Nouveau Testament: La charité est la plus importante des vertus. Ne conservez que le strict nécessaire et faites le don du reste aux personnes les plus démunis.
- Le Coran: Le Zakât (l’aumône) est l’un des 5 piliers de l’Islam. « Le Coran contient plus de 80 versets concernant la zakât et l'obligation de s'en acquitter. Cette aumône est considérée comme un droit pour les pauvres de prélever dans le surplus des plus riches. » ( wikipedia )

L'Humanitaire et la philosophie. « Au nom de l’humanité, nous nous devons d’agir. » Sous l’influence de la philosophie des Lumières, la charité change d’ordre pour passer dans le monde laïc.

- 1812:  Tremblement de terre de Caracas, au Venezuela. La ville est complémentent détruite et l’on dénombre plus de 12 000 victimes. Émue, la société civile américaine se mobilise et nombre d’initiatives privées voient le jour. Cinq bateaux de vivres seront affrétés.

- 1823: En Grande Bretagne, naissance de l’Anti-Slavery Society, dont le but est l’abolition de l’esclavage dans l’Empire Britannique.

- 1830: Naissance du mot humanitaire, qui fera son entré dans le dictionnaire en 1874.

L'Humanitaire et la guerre. « Dans toute l'Histoire, il y a toujours eu des guerres. Il continuera d'y en avoir. Mais pourquoi répéter la vieille Histoire ? Pourquoi ne pas essayer d'en commencer une nouvelle ? », dispose Gandhi. Un sage changement de paradigme que notre monde (civilisé ?) ne semble vouloir intégrer. Les guerres s'enchainent. Toutes plus barbares les unes que les autres. Toutes plus sanglantes. Pourtant, toutes semblent plus inutiles les unes que les autres. Et ce constat: la haine ne crée qu'une autre haine. Et devant ce sombre spectacle, de nobles organisations ont vu et voient le jour...

- 1854: Lors de la guerre de Crimée, Florence Nightingale organise et forme des équipes d'infirmières qui viendront apporter les premiers soins aux soldats blessés.

- 1859: La sanglante bataille de Solférino laisse sur son champs de bataille entre 40 et 50 000 tués. C'est un déclencheur, une prise de conscience pour Henry Dunant, un homme d’affaire Suisse, qui décide de créer une organisation qui viennent aux secours aux soldats blessés. Celle-ci naîtra en 1863...

- 1863: Naissance de « La Croix Rouge », et dont les grands principes sont: la neutralité, l’indépendance et la permanence. Son fondateur, Henry Dunant, recevra le prix Nobel de la paix en 1917.

L'Humanitaire et la seconde Guerre Mondiale. « Mon cher ami, » commence la missive de Gandhi pour Hitler : « Des amis m’ont encouragé à vous écrire au nom de l’humanité. J’ai résisté à leur requête, pensant qu’une lettre de ma part serait une impertinence. Mais quelque chose me dit que je ne dois pas faire de calcul et que je dois faire cet appel, quel qu’en soit le prix. Il est assez clair que vous êtes aujourd’hui la seule personne au monde qui puisse empêcher le déclenchement d’une guerre pouvant réduire l’humanité à l’état sauvage. » Bilan de la guerre 39-45: 55 millions de morts... 

- 1942: « Oxfam International » est une confédération d'ONG qui lutte sur les terrains politique, économique et humanitaire contre la pauvreté et l'injustice dans le monde. « Oxfam », initialement « Oxford Committee for Famine Relief » (l'abrégé date de 1965), est créé en Angleterre en 1942 pour agir contre la famine provoquée par le blocus anglais contre l'occupation nazie en Grèce. Malgré ce blocus, des étudiants et des citoyens de la ville d'Oxford s'unissent afin d'affréter un bateau et faire parvenir des vivres à la population.

- 1945: « Care International ». L'association, acronyme de « Cooperative for American Remittances to Europe », commence ses actions en envoyant des ravitaillements de la nourriture et autres denrées nécessaires à une Europe déchirée par la guerre. Cette dernière étend son influence au monde entier, l'acronyme change de signification pour devenir: « Cooperative for Assistance and Relief Everywhere, Inc. » « CARE » se décrit comme une association de solidarité internationale non confessionnelle, apolitique et indépendante.

L’Humanitaire et les bailleurs de fonds institutionnels: l’ONU.

- 1946: Le Fonds des Nations unies pour l'enfance, l’UNICEF « fait appliquer la Convention relative aux droits de l’enfant », s'emploie à assurer « l’égalité de tous ceux qui sont victimes d’une discrimination, les filles et les femmes en particulier, » travaille à la réalisation « des objectifs de développement pour le Millénaire et des progrès promis dans la Charte des Nations Unies, » œuvre pour instaurer « la paix et la sécurité, vieille à ce que tous ceux qui prennent des engagements au nom des enfants rendent compte de la façon dont ils y satisfont. »  

- 1949: Création du Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) installé pour 3 ans, toutefois toujours actif de nos jours. Il s’occupe de plus de 35 millions de réfugiés et de déplacés dans le monde.

- 1949: Conventions de Genève, qui définissent des règles de protection des personnes en cas de conflit armé. « Les Conventions de Genève et leurs Protocoles additionnels sont des traités internationaux qui contiennent les règles essentielles fixant des limites à la barbarie de la guerre. Ils protègent les personnes qui ne participent pas aux hostilités (les civils, les membres du personnel sanitaire ou d’organisations humanitaires) ainsi que celles qui ne prennent plus part aux combats (les blessés, les malades et les naufragés, les prisonniers de guerre). »

- 1963: Programme Alimentaire Mondiale (PAM), dont l’objectif est de collecter et de distribuer de l’aide alimentaire. Chaque année, elle nourrit plus de 90 millions de personnes.

L’Humanitaire et des organisations internationales non muettes. Et si on faisait fi de cette obligation de confidentialité ? Et si nous nous portions témoins de ce qui se passe ? 

- 1971: Après la guerre du Biafra, au Nigéria, deux médecins, Bernard Kouchner et Xavier Emmanuelli, quittent « La Croix Rouge » afin de rompre leur devoir de confidentialité et font part des exactions commises sur le terrain. Surnommées les « french doctors », Kouchner et Emmanuelli fondent alors « Médecins sans Frontières.» ( MSF)

- 1980: Création de « Médecin du Monde » par Bernard Kouchner et 15 responsables de MSF à la suite de divergences suite à l’opération « Un bateau pour le Vietnam » ( et dont le but, en 1979, est de venir en aide au Vietnamiens fuyant le régime communiste.)

L’Humanitaire et les bailleurs de fonds institutionnels, bis: l'ONU et l’Europe.

1990: Rappelant la résolution 43/101 du 8 décembre 1988, l’ONU entérine la notion de couloir d’urgence humanitaire: la possibilité d'accès à une région en crise ou en guerre pour les organisations humanitaires  ( résolution 45/100, 14 décembre 1990

1991: Création de la direction générale de l’aide humanitaire par la Commission Européenne, « ECHO », qui est le premier budget d’aide humanitaire dans le monde

L’Humanitaire et le militaire. Un cercle vicieux ?

- 1992: Opération militaire humanitaire « Restore Hope », menée par les Etats-Unis, sous l’égide de l’ONU. Réalisée en 1992-1993 en Somalie, elle se conclut par un échec. Alors que le but de cette opération militaro-humanitaire était d’endiguer une famine qui sévissait dans la région, des détournements, par les belligérants, ont été constaté. La nourriture ainsi détournée alimentait un marché noir; qui alimentait le conflit...

- 1999: Opération militaire humanitaire « Allied harbor », première opération humanitaire menée par l’Otan, au Kosovo.

L'Humanitaire et le droit d'ingérence. « Venir en aide aux populations en détresse sans le consentement de l’Etat est une idée ancienne, » précise Caroline Fleuriot dans Le Monde Diplomatique (septembre 2008), avant de renchérir: «  Déjà Hugo Grotius, en 1625 dans "De jure belli ac pacis", évoquait une telle possibilité. Mais l’article 2, paragraphe 7, de la Charte de l’Organisation des Nations unies (ONU) pose le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un Etat comme principe pacificateur des relations internationales. Ainsi, si le droit international organise l’accès aux victimes dans le cas de conflits armés internationaux, il ne prévoit rien en cas de catastrophe naturelle (…) L’idée du droit d’ingérence humanitaire est apparue à la suite de la guerre du Biafra ( …) et la notion de devoir d’ingérence a été formulée en 1987, à l’occasion d’une conférence du docteur Bernard Kouchner et du professeur de droit Mario Bettati sur le thème "Droit et morale humanitaire". » Ce que confirme Loic Le Gac, dans son article « L’Humanitaire » pour le magazine Thinkovey: « La question du doit d’ingérence va émerger dans les années 80 : il s’agit, pour les ONG “sans frontiéristes”, de disposer d’un droit d'intervention sur les lieux de catastrophes, » et de s'interroger: « Jusqu’où peut aller le droit d’ingérence pour des ONG qui disposent d’un budget parfois plus important que celui des pays dans lesquels elles interviennent ? »

L'Humanitaire et les people: Personal branding ? Green washing ? Ou réel engagement ? Nous avons des gens issus du monde des affaires (comme la fondation Bill et Melinda Gates), nous avons des acteurs (comme Georges Clooney), nous avons des chanteurs (comme Daniel Balavoine), etc. Même si l'altruisme pur, le don de soi sans retour a été mis en évidence scientifiquement, la sagesse populaire tend à douter de la bonne volonté de ces gens connus. Souvent à raison. Parfois à tord. Un des exemples les plus célèbre de l'engament de stars est: « We Are the World », une chanson caritative enregistrée par une pléiade d'artistes étasuniens en 1985, et co-écrite par Michael Jackson et Lionel Richie (et coproduite par Quincy Jones): « We are the world, we are the children, we are the ones who make a brighter day, so let's start giving »


Quelques repères, quelques réponses, quelques interrogations, une non exhaustivité, et un article de blog qui n’a d’autre vocation que de défraîchir un riche et passionnant sujet. Qui n’est pas suffisant. Qui demande une expertise, la votre. Dans les commentaires, par exemple, afin que chacun puisse s’y référencer. D’ores et déjà merci d’agrémenter cette bafouille “entrée en matière”, de vos lumières.  

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