Observation, déduction, imagination...

« You see, but you do not observe. The distinction is clear, » Sherlock Holmes

Qui est-elle ? Que fait-elle dans la vie ? D'où vient-elle ? Où va-t-elle ? Cela ne vous est jamais arrivé de vous demander, dans la rue, dans les transports en commun: mais qui est cette personne ? Et tenter, à force d’observations, discrètes, et de déductions, de vous imaginer sa vie.


Il est là. Assis en face de moi, dans le métro. La première chose que je distingue, ce sont ses chaussures en daim, humides et pleines de terre. Tout comme son pantalon de velours marron, au niveau des genoux. Son manteau bleu foncé, ouvert, laisse entrevoir un pull en laine noir. Une tenue de camouflage pour qui ne souhaite capter les regards. Pour qui souhaite se fondre dans la masse. Dans la foule.

Je lève les yeux, et je vois ses mains boudinées, qu’il triture fébrilement. Il ne semble pas à l’aise. Hagard.
Ses pognes sont également recouvertes de terre.
Revient-il d’une périlleuse excursion en forêt ? Aucune égratignure n’est visible. Toute cette crasse ne semble provenir d’une chute.
A-t-il jardiné ? A-t-il enterré quelque chose ?, ce qui expliqueraient cette terre plus présente entre les jambes et les cuisses.

Ses vêtements, classiques et bon marché, ne sont pas abîmés. Ni vieux. Ni ne sentent.

Quelques longs cheveux, grisonnant, ondulent sur un crâne de plus en plus visible. Un divorce capillaire qui doit remonter à quelques années.
Corpulent, il semble avoir 50 / 55 ans.
Valétudinaire, il présente au monde un visage blanc, rond et fantomatique, qui laisse apparaître au niveau du nez des pétéchies. Est-ce du à un choc ? Au froid ? A une fièvre intense ?

Il est là, sur ce siège. Recroquevillé. Timide et apeuré. Sa respiration est rapide.

Lorsque son regard croise le mien, ses yeux s'écarquillent et sa tête part en arrière avant de s’abaisser. Il se détourne. Il fuie mon regard.
Il semble ne vouloir être présent. Ici. Dans ce wagon de métro.
Il semble impatient d’arriver vers son but, un endroit que je ne connais. Sans heurts. Sans échanges.

Station « Art-Loi », ma correspondance. Il se lève, et d’un pas assuré se dirige vers la sortie où il tapote nerveusement sur le bouton d'ouverture des portes.

Savoir-voir et imaginer. Je descends et je me dirige vers la ligne 2, direction Simonis. J’attends mon deuxième métro. Je repense à cet inconnu et à ce que j’ai perçu: l’environnement, ses habits, sa posture, ses comportements. Je rassemble les indices: « Rien n’est petit pour un grand esprit (j'ai de la marge, ndlr) », comme l'affirme Sherlock Holmes et de rajouter: « Le monde est plein de choses évidentes que personne ne remarque jamais. »
Ne pas deviner, mais déduire. Je me hasarde à élaborer quelques déductions. J'imagine, j’extrapole. Je tente de me mettre à la place de cet anonyme navetteur. J’invente une histoire, que je pense pouvoir être son histoire. Des faits, j'élabore des théories, en me rappelant les conseils du célèbre détective de Baker Street qui ne cesse de mettre en garde contre cette tendance que l’on à: « à déformer les faits pour qu'ils correspondent aux théories, au lieu d'adapter les théories pour qu'elles s'ajustent aux faits. »

Mon métro arrive. Tout au bout de la rame, à l’écart de tous, je revois cet inconnu. Mais qui est-il ? Que fait-il dans la vie ? D'où vient-il ? Où va-t-il ?
Au fond, peu importe: « L’imagination est plus importante que le savoir, » comme le déclarait Albert Einstein. L’important est donc d’imaginer. L'important est donc de laisser l'esprit, de temps à autre, vagabonder. Y compris sur des petites choses: « It has long been an axiom of mine that the little things are infinitely the most important, » conclu Sherlock Holmes avant de renchérir: « Lorsque vous avez éliminé l'impossible, ce qui reste, si improbable soit-il, est nécessairement la vérité. »

Pour aller plus loin: Dans le métro, morceau de vie

L’impatience se lit sur les visages de ces pendulaires ou navetteurs qui, sourcils froncés et yeux plissés, fixent au loin un horizon qui semble ne pas les satisfaire. Leur pose est statique et similaire: ils sont à l'affût et ils me font penser à des chiens de chasse qui n’attendent que l’arrivée de leur proie, en l'occurrence le métro. Lorsqu'il arrive, c'est l’excitation: les pupilles se dilatent, le cœur s'accélère...Pour lire la suite, cliquez-ici !

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