Cloud: un voyage dans le temps, dans l'espace

"La vérité est toujours plus surprenante que la fiction, parce que la fiction doit coller à ce qui est possible, alors que la vérité, elle, n’y est pas obligée," Mark Twain

Une vie cachée dans le nuage, à l’abri d’indiscrets regards par une séquence de chiffres, de caractères spéciaux et de lettres. Explorer l’historique de son cloud, c’est comme voyager dans le temps. C’est aussi endosser le rôle d’un détective qui, d’indices en indices, de textes en feuilles de calcul, reconstruit la réalité d’une époque. 

Un parcours. Une identité évolutive. Des écrits vains, des textes non abouties, des gribouillis, des prises de notes, des mots d’inspirations diverses, fébriles inspirations du moment venus noircir d’immaculées pages Google doc sont chaotiquement rangés - quelquefois dans des dossiers anonymes. 

Un sens onirique, oh lyrique, oh critique, oh merdique. Des textes qui procrastinent et qui suffoquent, noyer sous un amas d’inextricables et incompréhensibles idées poussiéreuses - une modélisation de la pensée ? - et qui, les unes à côtés des autres, n’ont, bien évidemment, pas de sens, ne veulent rien dire.  On y décèle des désirs, des rêves, des doutes, des certitudes, des croyances et des réflexions. Et j'ai été étonné de retrouver des textes "premières impressions" qui, dans l'ici et le maintenant, faisaient un compte rendu factuel et émotionnel d'une situation, d'une expérience: garder une trace du vécu immédiat, et ne pas le pervertir par la mémoire; Historienne révisionniste qui à tendance à ré-interprèter le passé à l’aune de nos intérêts présents. 

Ah, et il y a aussi ces tableaux excel - ces reporting, ces calculs de rentabilité, de points morts - vestiges d’anciens et épanouissants jobs, et qui côtoient des tableurs plus ludiques, comme ce blindtest entre amis: différence(s) et ressemblance(s) entre M&M’s et Smarties. Comme ce document partagé “notation film cinéma”. Comme cette feuille de calcul “répartition des chocolats” entre co-achetant d’une expédition à l’usine Neuhaus. Comme ce tableur excel partagé, opération de financement participatif pour l’anniversaire d’une amie, et qui, en temps réel, estimait le montant des dons récoltés.

Ah, et il y a aussi des présentations powerpoint, certaines d’ordre professionnel, d’autres d’ordre personnel, et que vous pouvez apprécier sur mon Blog. 

Ah, et il y a aussi des photos: de la famille - et qui remontent à un âge où sucer son pouce et piaffer pour avoir de la nourriture est un contrat social accepté, et acceptable - et d’amis. 

Le mnésique cloud, cette mémoire transactive. Un voyage digital, une épopée numérique: 10 GB de données accessibles en un clic et stockées je ne sais où. Un chaos. Un journal intime 2.0. Une vie. Un moi numérique, parfois solitaire, parfois partagé dans des documents collaboratifs, co-pensées et co-édités par une, deux, trois personnes. 

Dans les échecs croit aussi les succès. Dans ce cloud, s'amoncèle des échecs qui déstabilisent et galvanisent, des malheureux actes manqués et des reposants mais soporifiques succès - ces oeillères d’éphémères gloires (où lorsque l'expérience nous égare et nous endort). Revisitez celui qui l’on fût, permet de mieux apprécier celui que l’on est devenu, et celui que l’on aspire à devenir. 

Apprentissage, expériences et évolution. Après cette balade numérique dans "le nuage", à rêvasser, ce sont les mots qui me viennent en tête, à brûle pourpoint. Et ce qui me vient ensuite, c’est ceci: sans liberté d’essayer, sans céder à la fatalité, sans bousculer les habitudes, sans oser, peut-il y avoir une évolution ?