Ikigai, quête de sens, et désir

"Essayer d’être qui l’on fut empêche d’être qui l’on devient." La première fois que j’ai entendu cette citation, mes yeux se sont écarquillés, j’ai pris une profonde respiration et j’ai voulu émettre, dans un élan d'enthousiasme, des sons et prononcer une phrase du style: "oh oui, effectivement". Mais sitôt entendu, sitôt semble-t-il comprise, un gros moment de doute s’est emparé de moi. Et je suis resté groggy par cette citation, que je comprenais sans comprendre. 

Délicate et indicible frustration. Devant certaines citations, et aphorismes, c’est comme avoir un mot sur le bout de la langue et de ne pouvoir l’exprimer. D’un côté, c’est un vocable qui vous échappe, de l’autre, c’est le sens d’une phrase. Dans les deux cas, la résolution ne semble pas si lointaine, mais ce n'est juste pas le moment. 

"Essayer d’être qui l’on fut empêche d’être qui l’on devient." Et vous, que pensez-vous de cette troublante et énigmatique citation ? Comment résonne-t-elle en vous ? Quelle première impression vous laisse-t-elle ? 
"Essayer d’être qui l’on fut empêche d’être qui l’on devient." Que signifie cette phrase ? Parle-t-elle d’évolution ? De sagesse ? De quête de sens ? De raison d’être ? 

L’être humain vers son mouvant Ikigai 

Pourquoi nous nous levons chaque matin ? Pourquoi travaillons-nous ? Qu'est-ce qui nous anime ? Qu'est-ce qui nous motive ? Pour les japonais, la réponse se trouve dans l'Ikigai, et sa satisfaction. Ikigai est donc un terme japonais qui signifie "Raison d'être / Joie de vivre"

"Choisis un travail que tu aimes, et tu n'auras pas à travailler un seul jour de ta vie," Confucius. Selon la culture nippone, chacun de nous possède un Ikigai caché - et sa révélation exige une longue et profonde recherche. Une lente et lancinante introspection. Concrètement, l'Ikigai se trouve à l’intersection entre la passion, la mission, la vocation et la profession de chacun d'entre-nous.



"La vie est une expérience, plus on fait d'expériences, mieux c'est," (Emerson). La recherche de l’Ikigai, cette quête de sens, est souvent l’oeuvre de toute une vie. C’est souvent un long voyage qui se termine là où il avait commencé, comme le déclare poétiquement T.S Eliot dans son poème "Four quartets": "La fin est l’endroit d’où nous partons. Nous n’aurons de cesse d’explorer. Et la fin de toutes nos explorations. Sera d’arriver à l’endroit d’où nous sommes partis. Et de connaître le lieu pour la première fois." Un long voyage pendant lequel éphémères et endormant succès, douloureux et vertueux échecs, et désir inassouvis se succèdent.

L’être humain et son inaccessible quête du désir 

Dans son livre "Les vertus de l’échec", l'écrivain et philosophe Charles Pépin dispose que: "Notre désir est insatiable. A peine en avons-nous satisfait un qu’un autre lui succède. L’objet de notre premier désir nous apparaissait pourtant comme le Graal. Il a suffi que nous puissions l’atteindre pour que le Graal resurgisse ailleurs. Il semble qu’il y ait derrière les objets successifs de nos désirs quelque chose d'inaccessible." Et de renchérir: "Désirer, c’est désirer l’impossible. Échouer à trouver la satisfaction, mais s’en trouver plus grands, plus créateurs, plus imaginatifs, plus vivants. Grâce à ce manque, grâce à l’échec répété de notre désir à se satisfaire, nous restons audacieux, inquiets, curieux, ambitieux. Bref, humains. Si nous pouvions satisfaire ce désir, cette quête prendrait fin, notre créativité s’épuiserait. Nous serions satisfaits, sereins, mais d’une sérénité qui ressemblerait à la mort. Ne serait-ce pas le pire des échecs ?

Et de terminer par: "Désirer, d’après son étymologie latine, vient de "desiderare", que les astrologues et les augures romains distinguaient de "considerare". "Considerare" signifiait contempler les astres pour savoir si la destinée était favorable. "Desiderare" voulait dire regretter l’absence de l’astre, du signe favorable de la destinée: "rechercher l’astre perdu." Cette définition du désir est magnifique. Elle dit ce que nous ressentons tous lorsque nous persévérons dans notre quête sans être jamais satisfaits, et éprouvons ce manque qui nous rend si vivants. Nous recherchons notre astre perdu. Peu importe qu’il se nomme éternité, reconnaissance ou plénitude intra-utérine. Ce qui importe est qu’il soit inaccessible."

"Essayer d’être qui l’on fut empêche d’être qui l’on devient.

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