8 bonnes conditions pour formuler un objectif / Rationalité limitée

L’être humain est un stratège qui va, consciemment ou inconsciemment, d’objectif en objectif. Sa vie en est remplie. Chaque action, chaque décision est un objectif qu'il tente d'atteindre. Je me lève, je me dirige vers la salle de bain, je prends un café, je vais au boulot. Objectif sur objectif vaut, à condition qu'il soit bien formulé. Qu'il soit réaliste.
C'est le matin. Il y a un état présent: vous, maintenant, sans l’atteinte d'un objectif - il est 8h30 et vous êtes au lit, les yeux encore collés suite à une trop courte nuit. Et il y a un état désiré: vous ayant atteint votre objectif - il est 9 heures, je suis devant mon ordinateur, au boulot. Entre ces deux états, un troisième s'intercale: un état ressource, qui correspond à tout ce qui peux vous aider à passer d'un état à un autre, du présent au désir. En l’occurrence, entre l'état présent et l'état désiré, vous ne décelez aucun frein. Parfait.


La situation problématique, c'est lorsque l’état présent est comparé à l’état désiré non atteint. A un instant T, il y a donc coexistence de ces deux états. Un fossé se creuse, et vous ne savez comment le combler. Comment faire ?

Tout d'abord, il est important est de bien définir votre état désiré. « Que souhaitez-vous atteindre ? Que voulez-vous de plus ou de différent ? Supposez que vous disposiez d’une baguette magique, que souhaitez-vous qu’il se passe et qui fasse vraiment une différence pour vous dans votre vie ? »

L’objectif assigné est-il réalisable ? Cet objectif répond-il aux conditions de bonne formulation d’un objectif (CBFO) ? Késaco que ce CBFO ? Les conditions de bonne formulation d’un objectif sont au nombre de huit:
  • L'objectif doit être formulé positivement. Si je vous dis, ne pensez pas à un cheval blanc. Automatiquement, vous y penser. Il est plus difficile de se représenter une « non image » ou un « non son », que de penser à une image ou à un son. Ainsi, si jamais votre objectif est formulé négativement, posez-vous cette question: Que voulez-vous à la place ? Exemple: « Je ne veux plus me sentir si fatigué. » Question: Comment souhaitez-vous vous sentir à la place ?
  • L’objectif doit être sous le contrôle de la personne. Dés lors, le « je veux qu’elle m’aime », « je veux que mes collègues me fasse confiance », ne sont pas des objectifs sous votre contrôle. Rappelez-vous que la seule façon de changer une chose dans une relation est de changer sa propre façon d’agir et de réagir. Toute relation s’inscrit dans un système, ainsi, si l‘une des parties du système change, l’autre devra s’adapter à ce nouveau comportement. Question: Cet objectif dépend-il de vous ? Entièrement de vous. 
  • L’objectif doit être contextualisé. Avec qui qui, quand, dans quel contexte, période de temps, où ? L’idée, ici, est de le rendre réaliste. Car souvent, trop souvent, les objectifs sont trop large: « Je veux la paix dans le monde », « je veux être heureux dans la vie ». Questions: Donnez-moi un exemple spécifique, concret, par où commencer ? Donnez-moi moi un domaine, un exemple important, spécifique dans lequel vous voudriez tout particulièrement être heureux? 
  • L’objectif doit être vérifiable et testable sensoriellement. Afin de savoir si l’objectif est, ou non, atteint, l’individu doit pouvoir s’en faire une représentation. Question: Imaginez que vous avez atteint votre objectif, que voyez-vous, qu’entendez-vous, que ressentez-vous ? 
  • L’objectif de l’objectif. Qu’est-ce qui se cache sous cet objectif ? En quoi cet objectif est-il important ? C’est la question de la motivation. Que vous apportera la réalisation de cet objectif ? Que changera-t-il dans votre vie ? 
  • L’objectif doit vous respecter, en tant qu’individu. Il ne doit pas être préjudiciable. Il doit être éthique. Question: Y-aurait-il un inconvénient quelconque pour vous et vos proches de n’atteindre cet objectif ? En considérant les personnes de votre environnement, qui pourrait être affecté par cet objectif ? Et comment ? 
  • Le prix à payer. Entre l’état présent et l’état désiré, des actions doivent être menées. Etes-vous prêt à en payer le prix ? 
  • La cohérence. Entre l’individu que je suis, et celui que j’aspire à devenir, passer de cet état présent à cet état désiré est-il cohérent ? Est-il concevable ? 

Rationalité limitée et seuil de satisfaction 

Comment définissons-nous habituellement un but, ou un objectif ? Comme un état désiré, souhaité, dans un futur plus ou moins proche. Et plus l’objectif est précis, plus le résultat est binaire: soit il est atteint, soit il ne l’est pas. Si l'objectif est plus vague, alors, pour être atteint, il peut ne pas être strictement égal au résultat. En d'autres termes, l’imprécision quant à la définition d’un objectif permet de dégager "plus d’espace pour réussir." 

Un objectif comme un ensemble de contraintes. Et comme l’explique Philippe Silberzahn, dans un billet de blog: émerge alors "une nouvelle façon de définir un but, qui a été proposée par le chercheur Herbert Simon, et qui est la suivante: un but est un ensemble de contraintes. Dire « Je veux travailler dans l’aviation plus tard » c’est, de façon imagée, tracer un cercle dans l’espace des possibles en disant: je ne sais pas exactement ce que je ferai plus tard, mais il faudra que ce soit dans l’aviation. Cela revient à éliminer quantité de possibilités. On se définit par ce qu’on ne veut pas. C’est un pré-engagement, c’est à dire une contrainte qu’on se fixe volontairement pour faciliter la construction de son futur. La notion de pré-engagement est fondamentale et elle n’est pas nouvelle. C’est celle que s’applique par exemple le système de justice occidental lorsqu’il dit « C’est à l’accusation de prouver que l’accusé est coupable. »"

Et de rajouter: "Dès lors et très concrètement, un but très précis n’est rien d’autre qu’une série de contraintes. La différence entre « Je veux travailler dans la restauration » et « Je veux lancer une activité de livraison de plats cuisinés bio mexicains low cost en moins de trente minutes dans la région ouest de Lyon » c’est simplement que le second but, beaucoup plus précis, est défini par un plus grand nombre de contraintes. De manière importante, ces contraintes sont toutes obligatoires. Elles doivent toutes être respectées. Si je réussis à lancer un tel service, mais que je n’arrive pas à livrer en moins de trente minutes, je n’aurai pas atteint mon but."

Sociologue, économiste et psychologue, Herbert Simon est le créateur du mot-valise satisficing et du concept de rationalité limitée.
  • La rationalité limitée expose, comme postulat, que les gens ont un comportement rationnel. Toutefois, cette rationalité est limitée en termes de capacité cognitive, et d'information disponible. La conséquence est que les gens, généralement, vont s'arrêter sur le premier choix qu'ils jugeront satisfaisant. 
  • Satisficing est une combinaison de deux mots: satisfying (satisfaisant) et sufficing (suffisant), et que l'on pourrait ainsi traduire par suffisfaisant ou satisfisant. Pour Herbert Simon, les gens sont prêts à accepter une solution "suffisamment bonne" plutôt "qu'optimal" si l'apprentissage de toutes les alternatives devait leur coûter du temps et des efforts. 
Et comme l’explique Mathieu Ferrière dans son ouvrage "Les principales critiques de la théorie du choix rationnel": "Les agents n’ont ni les capacités cognitives, ni les informations, ni même un temps suffisant pour prendre la décision optimale. Ils doivent dès lors adopter une procédure de prise de décision tenant compte de toutes ces limitations : c’est la fameuse théorie du satisficing, un néologisme forgé par Simon pour signifier le caractère satisfaisant, mais approximatif, tant du processus de décision que de son résultat. Les agents se fixent un niveau de satisfaction à atteindre, et retiennent la première solution égalisant ou dépassant ce seuil de satisfaction."

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