Effectuation, causation et confiance en Soi: la mise en mouvement d'une idée
Et si, au lieu de “faire pour” - soit travailler sur un objectif précis avec un cerveau contraint par le but - nous “faisions avec” ? Et si, au lieu de se fixer un objectif, nous partions de qui nous sommes, de ce que nous connaissons, de qui nous connaissons et que nous laissions les objectifs émerger ? Et si nous passions de la logique causale à la logique effectuale ? Deux logiques différentes, et complémentaires.
Cette métaphore commence a être connue. Ce soir, chez vous, vous recevez à dîner des invités. Deux choix s’offrent à vous - si vous écartez la solution de l’appel à un traiteur:
Dans la seconde solution, c’est la logique effectuale qui détermine votre repas. Vous partez des moyens, de vos ressources, et selon celles-ci, vous vous fixer un objectif. Votre pensée est non linéaire, vous “faites avec”. Toute votre attention est dirigée vers des objectifs potentiels, selon ce que vous avez sous la main.
Lorsque l’objectif n’est pas fixé, il est plus facile de pivoter, de modifier sa trajectoire, de passer à autre chose. Vous n’êtes pas prisonnier d’un plan. Vous n’êtes pas prisonnier du passé, d’une idée obsédante. Toutefois, ne pas être prisonnier d’un plan, ne pas avoir un objectif claire, dès le début, peut vite se transformer en une source d’angoisse: et c’est ici, dans cette incertitude, qu’il faut trancher, qu’il faut décider.
"Choisir, c'est se reposer sur des critères rationnels. Décider, c'est compenser l'insuffisance de ces critères par l'usage de sa liberté. Choisir, c'est savoir avant d'agir. Décider, c'est agir avant de savoir. (...) Dans notre pratique professionnelle, nous parlons souvent à tort de décisions alors qu'il ne s'agit que de choix. Lorsque nous n'avons qu'à nous fier au bon sens ou à un tableur Excel, lorsque nous n'avons qu'à respecter les habitudes ou les process, nous n'avons, au sens propre, rien à décider. La question de la décision se pose lorsque nous avons épuisé les ressources de notre raison et qu'une part d'incertitude demeure. Si nous ne pouvons être sûrs que notre choix sera le bon, alors nous sommes face à la nécessité de prendre une décision -du latin decidere,"couper", trancher. C'est parce que nous ne "savons" pas qu'il faut décider !" (Charles Pépin)
"L’Effectuation est un néologisme introduit par la chercheuse américaine d’origine indienne Saras Sarasvathy en 2001. Ancienne entrepreneuse, Sarasvathy entreprend une recherche sur l’entrepreneuriat à partir d’une observation simple : elle ne se retrouve pas dans ce qu’elle lit à propos de l’entrepreneuriat dans les ouvrages ou les articles scientifiques. Elle pose alors la question suivante : comment les entrepreneurs prennent-ils leurs décisions ? Existe-t-il une logique entrepreneuriale ?"
"À partir d’une recherche approfondie, elle va mettre en lumière cinq principes que suivent les entrepreneurs lorsqu’ils développent leur projet. Ces cinq principes sont regroupés sous le nom d’« Effectuation »."
"L’Effectuation s’oppose à la causation. La causation (ou logique causale) consiste à déterminer un but, et à obtenir les moyens nécessaires pour l’atteindre. C’est la logique dominante enseignée en management. C’est ce qui motive la rédaction d’un plan d’affaire pour les entrepreneurs. Le problème c’est qu’il n’est pas facile de déterminer des buts (trop ambitieux ? Pas assez ?) et surtout qu’on est jamais sûr de réussir à obtenir les ressources nécessaires, et que cela prend du temps. Au contraire, l’effectuation part des moyens pour déterminer les buts. L’entrepreneur se dit « Que puis-je faire avec les moyens dont je dispose ? » Ces moyens sont par définition disponibles, l’entrepreneur peut commencer immédiatement, sans rien demander à personne. En outre, nous verrons que l’entrepreneur détermine ses buts en s’associant avec des parties prenantes, comme un ami, un premier client, un partenaire, etc."
Principe 1 : l’entrepreneur démarre avec ce qu’il a sous la main
"Plutôt que se fixer un but et de chercher les moyens de l’atteindre, l’entrepreneur considère les moyens dont il dispose et se demande ce qu’il peut faire avec. C’est assez logique: dans le premier cas, on peut se fixer des buts très ambitieux, sans jamais avoir la moindre chance d’obtenir les ressources qui seraient nécessaires. C’est le syndrome du «Ah si seulement j’avais 500 000 euros, je pourrais… » De quoi disposent donc les entrepreneurs ? Tout individu dispose de trois ressources fondamentales: qui il est, ce qu’il connaît et qui il connaît."
Principe 2 : l’entrepreneur raisonne en termes de perte acceptable
"En décidant de ses actions, l’entrepreneur est rarement capable d’anticiper ce qu’il en obtiendra. Quand on conçoit un produit, on utilise des ressources aujourd’hui, et donc de manière certaine, pour vendre un produit demain, donc de manière incertaine. On ne sait pas si on réussira à fabriquer le produit, on ne sait pas en quelles quantités ni à quel prix on réussira à le vendre. Comprenant cela, les entrepreneurs basent leur décision non pas sur le gain attendu, mais sur la perte acceptable. L’entrepreneur se dit je vais faire telle action, cela va prendre telle durée et me coûter tel montant. Je ne sais pas ce que ça va donner, mais ce n’est pas grave car si ça ne donne rien, je peux me permettre de perdre ce temps et cet argent.»"
Principe 3 : l’entrepreneur construit un patchwork fou
"Nous l’avons vu, l’entrepreneur définit de nouveaux buts en fonctions des ressources dont il dispose. Comment acquière-t-il ces ressources ? Au début, il en possède trois qui sont universelles : qui il est, ce qu’il connaît et qui il connaît. C’est précisément en se tournant vers qui il connaît qu’il acquiert d’autres ressources en leur demandant « comment pouvez-vous m’aider ? » Celui qui décide de l’aider, par exemple en lui prêtant un bureau ou en lui pré-commandant un exemplaire de son produit, devient partie prenante à son projet. De nouvelles parties prenantes apportent des ressources, ce qui permet d’avoir des buts plus ambitieux, qui amènent de nouvelles parties prenantes. Le projet est donc comme un patchwork dont chacun apporte une pièce, sans qu’on sache à l’avance qui va apporter quoi."
Principe 4 : la limonade — l’entrepreneur tire parti des surprises
"Les anglo-saxons ont une jolie expression: si la vie vous envoie des citrons, vendez de la limonade. Les entrepreneurs savent que la vie est faite de surprises. Plutôt que passer des semaines à planifier leur projet, ce qui ne leur évitera jamais ces surprises, ils s’arrangent pour tirer parti de celles qui se produiront. Le temps passé à planifier est ainsi plus utilement consacré au développement du projet."
Principe 5 : l’entrepreneur transforme son environnement
"L’entrepreneur ne prédit pas ce qui va se passer dans son environnement, il en est tout aussi incapable que vous et moi, mais participe à sa transformation. Ce faisant, l’entrepreneur reprend le fameux adage « la meilleure façon de prédire l’avenir est de le créer soi-même. » Ce principe invite donc l’entrepreneur à passer de « Quel est l’avenir du marché X ? » à « Comment puis-je transformer mon environnement pour que le marché X émerge ? » Il s’agit d’un changement de posture tout à fait fondamental."
Principe 6 : La confiance en Soi, en les autres, en un tout plus vaste
La confiance est aussi un principe transversal de l’effectuation. Comment ne pas avoir une bonne dose de confiance en soi lorsqu’il s’agit d’exposer son idée, sa perception du monde à tout un chacun ? Le faire, c’est parfois affronter les moqueries, les menaces, etc.
La confiance en soi est donc nécessaire, et plus exactement la confiance en soi telle que décrite par Charles Pépin: "Avoir confiance en soi, ce n’est pas être sûr de soi. C’est trouver le courage d’affronter l’incertain au lieu de le fuir. Trouver dans le doute, tout contre lui, la force de s’élancer."
Pour Charles Pépin, la confiance n’est pas que technique, et repose sur trois piliers.
Avoir une idée, c’est bien, la mettre en mouvement, c’est quand même mieux. Parfois, la procrastination peut gagner le tenant d’une idée. Quelle peut-être l’intention positive de cette procrastination ? Nous protéger, nous laisser dans notre zone de confort, de sécurité, notre routine. Ne pas nous confronter à l’échec, qui nous fait peur, ou à la réussite, qui peut nous endormir (je suis le roi du monde) ou nous déprimer (que faire après ?)
Une remarque: si vous "attendez d’être prêt" avant de vous lancer, vous traiterez votre idée comme un vague horizon, comme une chimère, comme une illusion d’optique. Les pires ennemis des idées sont probablement la contemplation, la rêverie, la maturation perpétuelle... Sachez-le, il arrive le jour où l’expérimentation doit prendre le pas sur l’introspection. En d'autres termes: passer à l’action, penser avec ses mains, élaborer des prototypes, etc.
Selon Tim Brown, "trois critères indissociables conditionnent la validité d’une idée: la faisabilité (qu’est-ce qui est fonctionnel et réalisable dans un avenir prévisible ?) ; la viabilité (qu’est-ce qui s’intègre dans un modèle économique durable ?) ; et la dérisabilité (qu’est-ce qui correspond aux attentes des consommateurs ?)" - qui eux-mêmes, souvent, ne savent pas quoi ce qu’ils souhaitent.
Ci-dessous, vous pourrez apprécier un schéma qui aborde la notion de la viabilité d’un projet en quatre étapes clefs.
Il y a tout d’abord Vous et un déclencheur qui vous invite à vous torturer l’esprit afin de résoudre un problème. Un jour, vous trouvez une idée. Il y a ensuite Vous qui entreprener une action concrète qui peut vous ouvrir des opportunités. Vous pouvez ainsi rencontrer des personnes, qui peuvent devenir des parties prenantes à votre projet, qui peuvent ou non y adhérer. S’ils adhérent, le projet devient viable. Et si vous optez pour une clairvoyance frugale, si vous vous développer par itération, à tatons, en embrassant l'incertitude et en étant à l’écoute de ses messages, alors l’entreprise devient pérenne.
Une fois votre idée mise en mouvement, tout reste incertain: vous n’êtes ni à l’abri d’une réussite, ni d’un échec.
"S'exposer à l'échec, c'est oser se risquer dans le monde. Il faut donc avoir confiance en soi pour tenter l'aventure. Mais lorsqu'on se lance, souvent, on échoue. Et seuls les audacieux échouent,” comme l’expose Charles Pépin.
Notons que le droit à l’erreur ou à l’échec, doit s’avancer main dans la main avec un binôme, que nous pouvons nommer le droit, voir le devoir d’essayer. Si vous échouez, vous aurez la chance de pouvoir vous réinventer. Si vous réussissez, vous aurez le devoir de ne pas vous endormir sur vos lauriers.
Et à Philippe Gabilliet de rajouter: "vous voici face à deux avenirs à la fois, à savoir ça peut réussir et ça peut ne pas réussir."Là réside toute peur de l‘échec, dans cette tension née du fait de vivre deux avenir à la fois. La seule façon d’affronter cette peur est d’affirmer cette simple conviction optimiste: tout ira bien. Soyons clairs, cela ne veut pas dire que tout ira comme vous voulez. Cela veut dire que dans tous les cas, il se passera quelque chose, que des évènements adviendront, et que, quoi qu’il arrive vous aurez toujours la possibilité d’en faire autre chose."
Partir à la conquête d’un projet, c’est aussi partir à la conquête de Soi.
Pour Charles Pépin, la confiance passe aussi par la connaissance de soi: "Si nous savons qui nous sommes, si nous connaissons notre désir, si nous savons où nous allons, nous ne perdons pas confiance." Ce qui n’est pas toujours aisé à faire. Freud, dans son ouvrage "Malaise de la civilisation", dispose - comme le raconte Pépin - "qu’une société se construit sur le renoncement des individus à leur singularité. Pour qu’il y ait société, il faut avant tout de la norme. D’où le malaise: les individus sentent bien que cette norme triomphe au mépris de leurs singularités." Afin de trouver notre singularité, Pépin souligne alors le rôle de l’admiration. "Admirer, ce n’est pas vénérer, ce n’est pas s’oublier dans la contemplation du talent de l’autre. C’est se nourrir. Prendre exemple sur ceux qui ont osé suivre leur étoile pour entreprendre de chercher la sienne. Que nous dit leur exemple ? Qu’il est possible de devenir soi."
Effectuation, causation, donnez vie à vos projets, osez en parler autour de vous, accueillez et cueillez les rencontres, et surtout, amusez-vous ! Soyez curieux, et soyez bienveillant envers vous-même !
Logique causale / logique effectuale: la métaphore du frigo
Cette métaphore commence a être connue. Ce soir, chez vous, vous recevez à dîner des invités. Deux choix s’offrent à vous - si vous écartez la solution de l’appel à un traiteur:
- Vous décidez d’ouvrir votre livre de cuisine, et d’effectuer la recette qui se présente à la page 9: un saumon au wakamé et aux coques. Dès lors, vous dressez la liste des ingrédients nécessaires, vous regardez ce que vous avez déjà dans votre réfrigérateur, et vous vous rendez au magasin le plus proche pour acheter ce qui vous manque.
- Vous ouvrez votre frigo, vous regardez ce qu’il contient, vous imaginez une recette, et vous vous lancez dans sa préparation.
Dans la seconde solution, c’est la logique effectuale qui détermine votre repas. Vous partez des moyens, de vos ressources, et selon celles-ci, vous vous fixer un objectif. Votre pensée est non linéaire, vous “faites avec”. Toute votre attention est dirigée vers des objectifs potentiels, selon ce que vous avez sous la main.
"Choisir, c'est se reposer sur des critères rationnels. Décider, c'est compenser l'insuffisance de ces critères par l'usage de sa liberté. Choisir, c'est savoir avant d'agir. Décider, c'est agir avant de savoir. (...) Dans notre pratique professionnelle, nous parlons souvent à tort de décisions alors qu'il ne s'agit que de choix. Lorsque nous n'avons qu'à nous fier au bon sens ou à un tableur Excel, lorsque nous n'avons qu'à respecter les habitudes ou les process, nous n'avons, au sens propre, rien à décider. La question de la décision se pose lorsque nous avons épuisé les ressources de notre raison et qu'une part d'incertitude demeure. Si nous ne pouvons être sûrs que notre choix sera le bon, alors nous sommes face à la nécessité de prendre une décision -du latin decidere,"couper", trancher. C'est parce que nous ne "savons" pas qu'il faut décider !" (Charles Pépin)
De la naissance de l’effectuation, par Philippe Silberzahn
"L’Effectuation est un néologisme introduit par la chercheuse américaine d’origine indienne Saras Sarasvathy en 2001. Ancienne entrepreneuse, Sarasvathy entreprend une recherche sur l’entrepreneuriat à partir d’une observation simple : elle ne se retrouve pas dans ce qu’elle lit à propos de l’entrepreneuriat dans les ouvrages ou les articles scientifiques. Elle pose alors la question suivante : comment les entrepreneurs prennent-ils leurs décisions ? Existe-t-il une logique entrepreneuriale ?"
"À partir d’une recherche approfondie, elle va mettre en lumière cinq principes que suivent les entrepreneurs lorsqu’ils développent leur projet. Ces cinq principes sont regroupés sous le nom d’« Effectuation »."
"L’Effectuation s’oppose à la causation. La causation (ou logique causale) consiste à déterminer un but, et à obtenir les moyens nécessaires pour l’atteindre. C’est la logique dominante enseignée en management. C’est ce qui motive la rédaction d’un plan d’affaire pour les entrepreneurs. Le problème c’est qu’il n’est pas facile de déterminer des buts (trop ambitieux ? Pas assez ?) et surtout qu’on est jamais sûr de réussir à obtenir les ressources nécessaires, et que cela prend du temps. Au contraire, l’effectuation part des moyens pour déterminer les buts. L’entrepreneur se dit « Que puis-je faire avec les moyens dont je dispose ? » Ces moyens sont par définition disponibles, l’entrepreneur peut commencer immédiatement, sans rien demander à personne. En outre, nous verrons que l’entrepreneur détermine ses buts en s’associant avec des parties prenantes, comme un ami, un premier client, un partenaire, etc."
Les 5 (+1) principes de l’effectuation, par Philippe Silberzahn
Principe 1 : l’entrepreneur démarre avec ce qu’il a sous la main
"Plutôt que se fixer un but et de chercher les moyens de l’atteindre, l’entrepreneur considère les moyens dont il dispose et se demande ce qu’il peut faire avec. C’est assez logique: dans le premier cas, on peut se fixer des buts très ambitieux, sans jamais avoir la moindre chance d’obtenir les ressources qui seraient nécessaires. C’est le syndrome du «Ah si seulement j’avais 500 000 euros, je pourrais… » De quoi disposent donc les entrepreneurs ? Tout individu dispose de trois ressources fondamentales: qui il est, ce qu’il connaît et qui il connaît."
Principe 2 : l’entrepreneur raisonne en termes de perte acceptable
"En décidant de ses actions, l’entrepreneur est rarement capable d’anticiper ce qu’il en obtiendra. Quand on conçoit un produit, on utilise des ressources aujourd’hui, et donc de manière certaine, pour vendre un produit demain, donc de manière incertaine. On ne sait pas si on réussira à fabriquer le produit, on ne sait pas en quelles quantités ni à quel prix on réussira à le vendre. Comprenant cela, les entrepreneurs basent leur décision non pas sur le gain attendu, mais sur la perte acceptable. L’entrepreneur se dit je vais faire telle action, cela va prendre telle durée et me coûter tel montant. Je ne sais pas ce que ça va donner, mais ce n’est pas grave car si ça ne donne rien, je peux me permettre de perdre ce temps et cet argent.»"
Principe 3 : l’entrepreneur construit un patchwork fou
"Nous l’avons vu, l’entrepreneur définit de nouveaux buts en fonctions des ressources dont il dispose. Comment acquière-t-il ces ressources ? Au début, il en possède trois qui sont universelles : qui il est, ce qu’il connaît et qui il connaît. C’est précisément en se tournant vers qui il connaît qu’il acquiert d’autres ressources en leur demandant « comment pouvez-vous m’aider ? » Celui qui décide de l’aider, par exemple en lui prêtant un bureau ou en lui pré-commandant un exemplaire de son produit, devient partie prenante à son projet. De nouvelles parties prenantes apportent des ressources, ce qui permet d’avoir des buts plus ambitieux, qui amènent de nouvelles parties prenantes. Le projet est donc comme un patchwork dont chacun apporte une pièce, sans qu’on sache à l’avance qui va apporter quoi."
Principe 4 : la limonade — l’entrepreneur tire parti des surprises
"Les anglo-saxons ont une jolie expression: si la vie vous envoie des citrons, vendez de la limonade. Les entrepreneurs savent que la vie est faite de surprises. Plutôt que passer des semaines à planifier leur projet, ce qui ne leur évitera jamais ces surprises, ils s’arrangent pour tirer parti de celles qui se produiront. Le temps passé à planifier est ainsi plus utilement consacré au développement du projet."
Principe 5 : l’entrepreneur transforme son environnement
"L’entrepreneur ne prédit pas ce qui va se passer dans son environnement, il en est tout aussi incapable que vous et moi, mais participe à sa transformation. Ce faisant, l’entrepreneur reprend le fameux adage « la meilleure façon de prédire l’avenir est de le créer soi-même. » Ce principe invite donc l’entrepreneur à passer de « Quel est l’avenir du marché X ? » à « Comment puis-je transformer mon environnement pour que le marché X émerge ? » Il s’agit d’un changement de posture tout à fait fondamental."
Principe 6 : La confiance en Soi, en les autres, en un tout plus vaste
La confiance est aussi un principe transversal de l’effectuation. Comment ne pas avoir une bonne dose de confiance en soi lorsqu’il s’agit d’exposer son idée, sa perception du monde à tout un chacun ? Le faire, c’est parfois affronter les moqueries, les menaces, etc.
La confiance en soi est donc nécessaire, et plus exactement la confiance en soi telle que décrite par Charles Pépin: "Avoir confiance en soi, ce n’est pas être sûr de soi. C’est trouver le courage d’affronter l’incertain au lieu de le fuir. Trouver dans le doute, tout contre lui, la force de s’élancer."
Pour Charles Pépin, la confiance n’est pas que technique, et repose sur trois piliers.
- La confiance en l’autre: nous prenons confiance dans le regard des autres. "Double manière de donner confiance: d’abord mettre en confiance, ensuite faire confiance. D’abord sécuriser, ensuite “insécuriser” un peu. Nous avons besoin des deux pour nous aventurer dans le monde."
- La confiance en ses capacités, ses compétences. Soit la technique, la répétition.
- La confiance en un tout plus vaste: la vie, la nature, le cosmos, l’univers, etc.
- La maîtrise, parce qu'il faut connaître un minimum sa matière.
- L’abandon, parce que la vraie confiance consiste à répéter un savoir-faire pour savoir aller au-delà. Comme la vie est faite d’imprévus, le rôle de la confiance: "c’est de compenser l’impuissance de l’entendement par la puissance de la volonté."
L’effectuation en mouvement, et comment jouer sa peau !
Si, dans notre tête, nous savons pas où nous allons, nous le savons en agissant (...) Faites précéder la parole par de l’action. Car il restera toujours qu’agir sans parler l’emporte sur le fait de parler sans agir, Nassim N. Taleb, "Jouer sa peau"
Avoir une idée, c’est bien, la mettre en mouvement, c’est quand même mieux. Parfois, la procrastination peut gagner le tenant d’une idée. Quelle peut-être l’intention positive de cette procrastination ? Nous protéger, nous laisser dans notre zone de confort, de sécurité, notre routine. Ne pas nous confronter à l’échec, qui nous fait peur, ou à la réussite, qui peut nous endormir (je suis le roi du monde) ou nous déprimer (que faire après ?)
Une remarque: si vous "attendez d’être prêt" avant de vous lancer, vous traiterez votre idée comme un vague horizon, comme une chimère, comme une illusion d’optique. Les pires ennemis des idées sont probablement la contemplation, la rêverie, la maturation perpétuelle... Sachez-le, il arrive le jour où l’expérimentation doit prendre le pas sur l’introspection. En d'autres termes: passer à l’action, penser avec ses mains, élaborer des prototypes, etc.
Selon Tim Brown, "trois critères indissociables conditionnent la validité d’une idée: la faisabilité (qu’est-ce qui est fonctionnel et réalisable dans un avenir prévisible ?) ; la viabilité (qu’est-ce qui s’intègre dans un modèle économique durable ?) ; et la dérisabilité (qu’est-ce qui correspond aux attentes des consommateurs ?)" - qui eux-mêmes, souvent, ne savent pas quoi ce qu’ils souhaitent.
Ci-dessous, vous pourrez apprécier un schéma qui aborde la notion de la viabilité d’un projet en quatre étapes clefs.
Il y a tout d’abord Vous et un déclencheur qui vous invite à vous torturer l’esprit afin de résoudre un problème. Un jour, vous trouvez une idée. Il y a ensuite Vous qui entreprener une action concrète qui peut vous ouvrir des opportunités. Vous pouvez ainsi rencontrer des personnes, qui peuvent devenir des parties prenantes à votre projet, qui peuvent ou non y adhérer. S’ils adhérent, le projet devient viable. Et si vous optez pour une clairvoyance frugale, si vous vous développer par itération, à tatons, en embrassant l'incertitude et en étant à l’écoute de ses messages, alors l’entreprise devient pérenne.
Chérir l'incertitude, l'accueillir, ne pas la refouler
Une fois votre idée mise en mouvement, tout reste incertain: vous n’êtes ni à l’abri d’une réussite, ni d’un échec.
"S'exposer à l'échec, c'est oser se risquer dans le monde. Il faut donc avoir confiance en soi pour tenter l'aventure. Mais lorsqu'on se lance, souvent, on échoue. Et seuls les audacieux échouent,” comme l’expose Charles Pépin.
Notons que le droit à l’erreur ou à l’échec, doit s’avancer main dans la main avec un binôme, que nous pouvons nommer le droit, voir le devoir d’essayer. Si vous échouez, vous aurez la chance de pouvoir vous réinventer. Si vous réussissez, vous aurez le devoir de ne pas vous endormir sur vos lauriers.
Et à Philippe Gabilliet de rajouter: "vous voici face à deux avenirs à la fois, à savoir ça peut réussir et ça peut ne pas réussir."Là réside toute peur de l‘échec, dans cette tension née du fait de vivre deux avenir à la fois. La seule façon d’affronter cette peur est d’affirmer cette simple conviction optimiste: tout ira bien. Soyons clairs, cela ne veut pas dire que tout ira comme vous voulez. Cela veut dire que dans tous les cas, il se passera quelque chose, que des évènements adviendront, et que, quoi qu’il arrive vous aurez toujours la possibilité d’en faire autre chose."
De la connaissance de Soi: la fin et le début du chemin
Partir à la conquête d’un projet, c’est aussi partir à la conquête de Soi.
Pour Charles Pépin, la confiance passe aussi par la connaissance de soi: "Si nous savons qui nous sommes, si nous connaissons notre désir, si nous savons où nous allons, nous ne perdons pas confiance." Ce qui n’est pas toujours aisé à faire. Freud, dans son ouvrage "Malaise de la civilisation", dispose - comme le raconte Pépin - "qu’une société se construit sur le renoncement des individus à leur singularité. Pour qu’il y ait société, il faut avant tout de la norme. D’où le malaise: les individus sentent bien que cette norme triomphe au mépris de leurs singularités." Afin de trouver notre singularité, Pépin souligne alors le rôle de l’admiration. "Admirer, ce n’est pas vénérer, ce n’est pas s’oublier dans la contemplation du talent de l’autre. C’est se nourrir. Prendre exemple sur ceux qui ont osé suivre leur étoile pour entreprendre de chercher la sienne. Que nous dit leur exemple ? Qu’il est possible de devenir soi."
Effectuation, causation, donnez vie à vos projets, osez en parler autour de vous, accueillez et cueillez les rencontres, et surtout, amusez-vous ! Soyez curieux, et soyez bienveillant envers vous-même !
La fin est l’endroit d’où nous partons. Nous n’aurons de cesse d’explorer. Et la fin de toutes nos explorations. Sera d’arriver à l’endroit d’où nous sommes partis. Et de connaître le lieu pour la première fois, T.S Eliot, Four quartetsSources:
- L’esprit design, Tim Brown / Barry Katz, ed. Pearson
- Jouer sa peau, Nassim Nicholas Taleb, ed. Les Belles Lettres
- L'art de changer de vie en 5 leçons, Philippe Gabilliet, ed. Saint-Simon
- Le remarquable et inspirant blog de Philippe Silberzahn ( https://philippesilberzahn.com ), notamment auteur de: Effectuation: Les principes de l’entrepreneuriat pour tous, ed. Pearson et de Bienvenue en incertitude! Principes d’action pour un monde de surprises, et de Stratégie Modèle Mental (co-écrit avec Béatrice Rousset), ed. Diateineo
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