Du pouvoir du petit nombre: patience et organisation
Métaphores, histoires et divagations. La loi du petit nombre fait rage. Elle frustre, elle immobilise, elle démotive, elle rompt tout engagement. A ma petite échelle, que puis-je faire ? Qu’apporte ma voix ? Mes actions ? Mes choix ? Je n’y peux rien, c’est comme cela ! Quand l’inquiétude et l’impuissance s’invitent dans le lexique interrogatif des gens, la résignation n’est pas loin. Mais la résignation ne soigne pas, elle ne fait qu’alléger “tous les maux sans remède” (Horace). Pourtant, l’involontaire exemple de jeunes barbus change la donne. Oui, des petits choix, des micro-changements, comme ne pas se raser, peuvent amener de grands bouleversements, peuvent entraîner de grands effets.
C’est cette information publiée sur un site média, le huffpost: “Les barbus coûtent plusieurs milliards d'euros à Gillette”, qui attire l’attention. Insolite, et inintéressante au premier abord, elle permet à l’esprit de divaguer. Un hipster plus un hipster, qui en influencent d’autres et, au final, on se retrouve avec un petit groupe éparse de personnes qui devient un mouvement pour se transformer en un phénomène de mode qui entraîne cette douloureuse pour Gillette: “La mode des barbus lui a fait perdre 5,24 milliards de dollars.” (pour la business unit “lames de rasoir”, quid de la hausse des ventes des rasoirs électriques, égaliseurs de barbes ? ;p)
Et si l’on admet l'hypothèse d’une communication des hipsters, celle-ci est formulée de manière positive (ne pas aller contre, mais aller vers): ne pas dire non au rasoir, ne pas le boycotter, mais clamer haut et fort un oui pour le port de la barbe.
Ce que l’on constate:
Un jour, dans un village isolé, ou non, un rhume atteint une personne. Un vulgaire et petit microbe prend pour habitation un corps. Ce corps continue à déambuler dans sa vie quotidienne, et côtoie d’autres gens. Bientôt, ce n’est pas un corps qui est contaminé par un rhume, mais deux, puis trois. Ce microbe, ce micro-organisme, chemine: pas à pas, corps à corps. Patiemment, lentement. Bientôt une épidémie, et bientôt une pandémie.
Ce que l’on constate: Le microbe l’a compris: être petit n’est pas une faiblesse. L’important, c’est d'être organisé, d'être patient, de prendre son temps.
Cependant, à contre-courant, comme le démontre le sociologue et statisticien américain Everett Rogers dans son ouvrage “Diffusion of Innovations”, quelques personnes vont acquérir ces produits. Ce seront les innovateurs: il sont sensibles à l’innovation et sont les premiers clients d’une nouveauté (qui réalisent leurs achats sans avoir besoin de consulter les avis d’autres utilisateurs), puis les early adopters (ou les primo-adoptants). Parfois, tout s’arrête ici, et parfois, un point de bascule est atteint: c'est ensuite la majorité précoce, puis la majorité tardive et enfin les retardataires qui prennent possession de l'innovation. De ridicule et inutile en passant par “qui fait peur”, une nouvelle technologie à tendance à devenir, au final, évidente - à tel point qu'on ne peut plus s'en passer (et que nous nous demandons: mais comment nous faisions avant ?). C'est l'histoire de la machine à tisser, de l'ordinateur, du smartphone, etc.
Ce que l’on constate: D’un petit nombre d’adhérents qui vont à contre-courant de l’opinion de masse, c’est tout un pays, un continent, le Monde qui peut être atteint. Et changer (pour un bien, ou pour un mal).
Certains individus vont jouer un rôle moteur dans la bascule, ou non, de l’épidémie: ils seront à l’origine de la “contamination”, de la propagation du message. De part leur influence.
C’est le degré avec lequel l’information pénètre et persiste dans la population: “le message”doit être compris et marquer les esprits. En d’autres termes, “c’est la qualité que l’information doit posséder pour déclencher une épidémie et inciter à l’action.”
Pour aller plus loin, "Le point de bascule", Malcolm Gladwell, Ed. Clés des Champs, février 2016 / "Longue traine et paradoxe des choix sur le web", McGulfin
La preuve par la barbe
C’est cette information publiée sur un site média, le huffpost: “Les barbus coûtent plusieurs milliards d'euros à Gillette”, qui attire l’attention. Insolite, et inintéressante au premier abord, elle permet à l’esprit de divaguer. Un hipster plus un hipster, qui en influencent d’autres et, au final, on se retrouve avec un petit groupe éparse de personnes qui devient un mouvement pour se transformer en un phénomène de mode qui entraîne cette douloureuse pour Gillette: “La mode des barbus lui a fait perdre 5,24 milliards de dollars.” (pour la business unit “lames de rasoir”, quid de la hausse des ventes des rasoirs électriques, égaliseurs de barbes ? ;p)
Et si l’on admet l'hypothèse d’une communication des hipsters, celle-ci est formulée de manière positive (ne pas aller contre, mais aller vers): ne pas dire non au rasoir, ne pas le boycotter, mais clamer haut et fort un oui pour le port de la barbe.
Ce que l’on constate:
- L’impact du temps. Un petit nombre de personne possède un réel pouvoir, quand vient son heure.
- L’impact d’une communication formulée de manière positive, et orientée solution: Rien de tel qu’un slogan énoncé dans des termes positifs et qui prône une solution, qui dirige la pensée des gens, les oriente, leur enlève une partie des choix - car trop de choix amène souvent à une inaction, par peur de prendre le mauvais et le regretter (plus il y a d’alternatives, plus il est difficile de choisir, et plus la tendance est à la procrastination: “trop de choix ont des effets négatifs sur les gens,” explique le psychologue américain Barry Schwartz). Ici, seulement deux choix sont possibles: souhaitez-vous devenir un hipster ? Si votre réponse est affirmative, alors affichez votre appartenance par une barbe: c'est simple, et c’est orienté solution.
La preuve par le microbe
Un jour, dans un village isolé, ou non, un rhume atteint une personne. Un vulgaire et petit microbe prend pour habitation un corps. Ce corps continue à déambuler dans sa vie quotidienne, et côtoie d’autres gens. Bientôt, ce n’est pas un corps qui est contaminé par un rhume, mais deux, puis trois. Ce microbe, ce micro-organisme, chemine: pas à pas, corps à corps. Patiemment, lentement. Bientôt une épidémie, et bientôt une pandémie.
Ce que l’on constate: Le microbe l’a compris: être petit n’est pas une faiblesse. L’important, c’est d'être organisé, d'être patient, de prendre son temps.
La preuve par l'innovation
Lorsqu'une innovation, ou plus exactement une nouvelle technologie apparaît, aux yeux du plus grand nombre, elle est souvent qualifiée de gadget inutile. “Personne ne s’en servira”, crie la majorité des gens. Au mieux, ou au pire, que quelques clopins vont s’acoquiner avec ce truc.Cependant, à contre-courant, comme le démontre le sociologue et statisticien américain Everett Rogers dans son ouvrage “Diffusion of Innovations”, quelques personnes vont acquérir ces produits. Ce seront les innovateurs: il sont sensibles à l’innovation et sont les premiers clients d’une nouveauté (qui réalisent leurs achats sans avoir besoin de consulter les avis d’autres utilisateurs), puis les early adopters (ou les primo-adoptants). Parfois, tout s’arrête ici, et parfois, un point de bascule est atteint: c'est ensuite la majorité précoce, puis la majorité tardive et enfin les retardataires qui prennent possession de l'innovation. De ridicule et inutile en passant par “qui fait peur”, une nouvelle technologie à tendance à devenir, au final, évidente - à tel point qu'on ne peut plus s'en passer (et que nous nous demandons: mais comment nous faisions avant ?). C'est l'histoire de la machine à tisser, de l'ordinateur, du smartphone, etc.
Ce que l’on constate: D’un petit nombre d’adhérents qui vont à contre-courant de l’opinion de masse, c’est tout un pays, un continent, le Monde qui peut être atteint. Et changer (pour un bien, ou pour un mal).
La preuve par l’épidémie, le point de bascule de Malcolm Gladwell
Comment des petites choses peuvent faire de grandes différences ? C’est la question que s’est posée le journaliste Malcolm Gladwell, auteur de l’ouvrage “Le point de bascule”. “Le point de bascule est l’histoire d’une idée, une idée toute simple: la meilleur façon de comprendre l’émergence des modes, des flux et des reflux de vagues de criminalité, la transformation de livres inconnus en best-seller, l’augmentation du tabagisme chez les adolescents, le phénomène de bouche à oreille, ou tout autre changement mystérieux de la vie courante, la meilleure façon de comprendre tous ces processus, donc, consiste à les concevoir comme des épidémies. Les idées, les produits, les messages et les comportements se propagent exactement comme des virus,” explique Gladwell avant de renchérir: “toute épidémie est composée de trois éléments: les gens qui transmettent les agents infectieux, les agents infectieux en soi et le milieu dans lequel ils opèrent. Lorsqu’une épidémie déferle, lorsque la maladie cesse d’être circonscrite, c’est qu’au moins un de ces trois éléments a subi une transformation. Voici comment j’ai baptisé ces trois vecteurs de changement pour les appliquer au cas des épidémies sociales: les oiseaux rares, l’adhérence, et le contexte.”- Les déclencheurs / les oiseaux rares:
“Les épidémies sociales fonctionnent exactement comme les épidémies de maladies. Elles sont déclenchées par les actions d’une poignée de gens qui se distinguent nettement de la masse par leur sociabilité, leur énergie, leurs connaissances ou leur influence.”
Certains individus vont jouer un rôle moteur dans la bascule, ou non, de l’épidémie: ils seront à l’origine de la “contamination”, de la propagation du message. De part leur influence.
- L’adhérence / Le facteur d’attachement
C’est le degré avec lequel l’information pénètre et persiste dans la population: “le message”doit être compris et marquer les esprits. En d’autres termes, “c’est la qualité que l’information doit posséder pour déclencher une épidémie et inciter à l’action.”
“Dans le processus de communication, la rétention du message compte autant sinon plus, que sa diffusion. En effet, un message qui adhère à la mémoire , qui ne quitte plus l’esprit a manifestement un impact.”
- Le contexte / L'environnement
“(…) Une épidémie est fortement influencée par son contexte, soit les circonstances, les conditions et les particularités du milieu où elle évolue.”
Ce que l'on peut en conclure,
“Le monde peut sembler implacable et immuable. Il ne l’est pas. Une petite poussée au bon endroit peut le faire basculer,” (Malcolm Gladwell). Dans l’Histoire, les changements ne sont pas linéaires, mais se font par des bons, par des sauts. A un moment donnée, comme si un seuil de tolérance avait été atteint: un empire s’effondre, une révolution éclate. L’Histoire est déterminée par des événements qui sont tout autant extraordinaires qu’imprévus. Toutefois, le caractère surprenant a tendance à disparaître dès que l’événement s'est produit: “l’histoire paraît plus claire et plus structurée dans les livres que dans la réalité empirique (...) c’est la déformation rétrospective”, explique l'écrivain Nassim N. Taleb. Souvent, dans le quotidien, nous ne sommes pas conscients que des évènements historiques se jouent, ici et maintenant. Ce n’est qu'après qu’ils surviennent que nous bâtissons des explications, que nous trouvons des évidences: ceci plus ceci ont entraîné cela, c’est logique, certes, mais après coup. Car l’esprit humain aime (se) raconter des histoires, faire des liens, trouver un sens. L’esprit humain n’aime pas l'incertitude, n’accepte pas l’idée d’imprédictibilité. Alors, faire sa part des choses, et peut-être par cette action aller à contre-courant, s’organiser, proposer des solutions (simples), des alternatives (faisables), y croire, être certain de soi, être patient, n’est quasi jamais sans effet. Peut-être, un jour ou l’autre, l’Histoire vous donnera raison, c’est cela, le patient pouvoir du petit nombre, organisé :)Pour aller plus loin, "Le point de bascule", Malcolm Gladwell, Ed. Clés des Champs, février 2016 / "Longue traine et paradoxe des choix sur le web", McGulfin
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