Le jeu comme source d'imagination

Et si nous, les adultes, nous manquons parfois d’imagination parce que nous avons joué, petits, à des jeux inutiles et limitatifs ? Laisser libre cours à l’imagination, à la création, sans escompter de résultats, c’est ce que propose la designeuse Cas Holman: "Je ne conçois pas des jouets, je crée des circonstances qui favorisent l’apparition du jeu." Ouvrir le champ des possibles, ne pas restreindre, ne pas donner de strictes instructions comme un manuel IKEA, point par point, et, au contraire, laisser au jeu la faculté de devenir, d’émerger selon la volonté des enfants. Accompagner l’univers des enfants, leur donner des outils afin qu'ils puissent pleinement s’exprimer. Ne pas leur voler l’opportunité de créer leurs propres histoires. Des jeux évolutifs & adaptatifs. Bienvenue dans l'univers de la designeuse Cas Holman que vous pouvez découvrir dans un épisode de la série documentaire Abstract disponible sur NetFlix. 

C’est un scénario que vous avez peut-être vécu. Vous offrez un beau jouet à un enfant qui appréciera, en retour, autant votre présent que son contenant. Qui n’est pourtant qu’une bête boîte. Pourquoi accorde-t-il autant d’intérêt à cet emballage, brut ? Sans doute parce que cette boite est vierge, justement, qu’elle n’est pas conditionnée (narrée) par une tierce personne. Ce contenant peut être tout et rien à la fois, et n’attend que l’histoire que lui assignera (racontera) l’enfant. Un artefact qu'il peut pulvériser, ou modeler à sa guise: devant vous un coffre pirate, une future voiture, une maison, une piscine si je rajoute un sac en plastique à l’intérieur, etc. L’enfant peut donc avoir son idée et la rendre concrète.

Le jeu est souvent perçu par les adultes comme une occupation futile et joyeuse de l’enfant. En réalité, le jeu n’est pas une activité insignifiante, loin de là: "il s’agit de l’univers dans lequel il évolue." Et si dans son Monde on lui dit, par le jeu, qu’il n’y a pas une bonne et des mauvaises façons de procéder, qu’il n’y a pas de feuille de route pré-établie, alors on autorise l’enfant à penser et à agir par lui-même. 

Pléthore de jouets sont répétitifs et prescriptifs: il faut faire ça, ou cela, et appuyer sur tel bouton. Ces joujoux prescrivent des consignes à l’enfant - lui qui en reçoit déjà tellement. "De nos jours, beaucoup de jouets sont nuls: ils sont en plastiques et les enfants n’en tirent rien. Ils sont fait pour le profit ou pour occuper les mômes." Bêtement. "Alors que c’est l’enfant qui devrait être à l’origine de la conception du jouet," dispose Cas Holman.

Un jouet peut devenir un objet très restrictif, et envoyer un message à l’enfant: il y a une bonne et une mauvaise façon de l’utiliser. En effet, à la base de nombreux jouets, il y a un but, il y a une seule manière d’y jouer, que l’enfant découvre. Une fois qu’il sait comment ça fonctionne, c’est terminé ; le plaisir est alors moindre et son désengagement par rapport au jouet se fait ressentir. Et si jamais l’enfant ne découvre comment jouer à son jeu, il aura l’impression d’être incompétent, et il pourra baisser les bras, perdre confiance.
 “Les enfants, curieux, veulent interagir avec le monde. Et avec des jeux non limitatifs, ils sont plus heureux.” 
Un exemple d’enfermement. Si vous demandez un enfant de dessiner une voiture, alors il dessinera votre moyen de transport. Toutefois, avec cet énoncé, vous l’enfermez dans une idée: car le bambin a une idée préconçu de ce qu’est ce véhicule. Ce qui sous-tend qu’il y a une bonne et une mauvaise manière de le dessiner. Cependant, si vous êtes plus abstrait dans votre requête et que vous lui demander de crayonner un truc pour aller à l’école, alors là, il sera libre de développer ses propres idées. Et ce ne sera pas forcément une voiture qu’il vous présentera.

Vous pouvez tenter l’exercice. Imaginez que vous êtes un fabricant de tasse et que vous organisez une réunion de brainstorming afin de développer une nouvelle idée. A l’ordre du jour vous pouvez penser "produit": nous allons concevoir une nouvelle tasse innovante. Ou bien penser par "fonction": nous allons concevoir un moyen (et même 10 moyens) de transporter un liquide d’un point A à un point B. Une formulation moins restrictive, plus ouverte et propice à l’imagination. D’ailleurs, pour vos réunions, pourquoi ne pas opter pour un peu d’abstrait: cadrer, mais pas trop, afin de laisser libre cours à l’imagination, à l'interprétation, à l’évasion, à la divagation de vos intervenants. Laissez-vous surprendre par ce qui va émerger ! Vous pouvez reformuler le problème à l’ordre du jour, vous pouvez repenser la question qui est soulevée (car une question oriente l’esprit)
Le "jouer ensemble", c’est la base du "vivre ensemble"
"Le jeu est un moyen d’apprentissage, et de plaisir. Le jeu fait marcher notre cerveau. Le jeu accorde notre tête à notre corps (...) Quand je conçois un jouet, c’est pour que l’enfant suive son imagination plutôt qu'il suive des instructions," dispose Cas Holman, avant de renchérir: "Quand c’est simple, c’est ennuyeux, c’est mon moto. La facilité ne sollicite pas l’intellect. Et si la vie est prévisible, alors nous devenons des zombies. En restant conscient de notre environnement, nous entretenons notre jeunesse, et notre matière grise."

Donc jouons, et soyons plus flexible quant aux règles ;)

Quelques exemples de jeu, par Cas Holman


Le Rigamajig, 
Des pièces en bois, diverses et variées, des boulons et des vis, et aucun plan de construction. En savoir plus !
Le Rigamajig fut "copié" dans des écoles chinoises. La réaction de Cas Holman fut: "et s'ils avaient amélioré le Rigamajig ? Et s'ils avaient trouvé des nouvelles fonctionnalités ? Comment l'ont-ils copié en Chine, qui est une culture différente ?" Deux choix: le procès ou la coopération. Cas Holman contacta les "copieurs" et leur proposa une collaboration. C'est ainsi qu'Anji play (la méthode Anji) se développa. Un Rigamajig grandement amélioré par ce partenariat, car la copie avait sublimé le projet initial. La méthode Anji est portée depuis plus de 18 ans par une professeure, Cheng Xueqin. Cinq mots définissent le projet: Amour, Risque, Plaisir, Engagement, Réflexion. Un autre vocable peut se rajouter: confiance. Dans la cours de récréation on distingue des blocs de bois, des tonneaux, des planches, des poulies, des échelles, etc. et les enfants construisent, librement, leur monde, en collaborant. Au loin, les surveillants regardent ce qui se passe, en évitant d'intervenir. Et chaque pause récréation se termine par un débriefing, pour développer la capacité d'expression des enfants, écouter comment ils ont construit leur "truc", s'ils ont rencontrés un problème (et comment est venue la résolution: peut-être une notion de physique et/ou de mathématique s'est intuitivement invitée dans leur réflexion), etc. En savoir plus sur Anji Play !

Les blocs bleus, 
Ou comment réinventer l'espace de jeu extérieur. En les supprimant, et en laissant aux enfants le soin de le construire, comme un légo géant. En savoir plus !

Le Geemo, 
Une même forme qui accueille des aimants à ces extrémités. Attractifs, ou répulsifs, les aimants s'aiment ou se détestent, et aucun indice pour voir cela. Seule l'expérience nous l'apprend. Et place à l'imaginaire de l'enfant pour construire un mur en Geemo, un collier, un pont, une sculpture abstraite, un range jouet, etc. En savoir plus !

Source: Abstract, Saison 2, Netflix, Cas Holman / Site de Cas Holman

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