Eloquence, maitrise des techniques oratoires ou immaitrise de l'instant présent ?

Eloquence, est-ce seulement cette maîtrise des techniques oratoires et des effets, comme les intonations, les silences, le débit des mots ? Une douce mélodie contée (slamée) par une personne qui sait quoi dire, et comment le dire au bon moment. Et si l’éloquence se nichait aussi dans une non-maîtrise ? Et si l’éloquence ne se résumait qu’à un laisser-aller, un laisser-faire, en confiance. 

Entre parler en public et mourir, plusieurs sondages expriment que la peur des gens est bien la première. Alors que l'on ne meurt qu’une fois et que l’on vit tous les jours, se planter devant une assemblée de yeux rivées et discourir sur une thématique provoque: stress, peur d’être jugé, peur des questions, peur de ne pas contrôler la situation (les interrogations et faits et gestes de l’audience). Des craintes qui paralysent.

Alors, être éloquent, c'est quoi ? Devenir volontaire, audacieux et souple face à l’incertain pour s’adapter à ce qui nous est proposé, lâcher prise (ou changer de prise) et se faire confiance, accueillir ce qui vient et ce qui ne vient pas, se laisser entraîner par le moment, improviser et découvrir au coeur même des mots qui s'agencent les uns après les autres un sens qui éclôt, qui surgit, qui jaillit. Se laisser surprendre, se laisser emporter par sa pensée, ne pas réfléchir avant les mots et nous laisser embarquer avec eux. L’élégant éloquence des mots qui subliment la pensée.

Si vous avez un doute, rappelez-vous que lorsque vous discutez avec un collègue devant la machine à café, que vous rencontrez un ami lors d’une soirée et que vous entamez une discussion ; vous improvisez. Le public est restreint, assurément, toutefois l’incertitude règne toujours: devant vous se présente un complexe être humain avec ses croyances, ses valeurs, sa manière de penser et qui vous répond, qui vous pose des questions.

Bon an, mal an, au quotidien l’incertain est notre compagnon de route ; et sans même nous en rendre compte, nous improvisons chaque jour. Nous nous adaptons. Nous nous accommodons. Nous ré-ajustons. Nous affinons. Nous rectifions. Nous modifions. Nous développons des stratégies toutes plus créatives les unes que les autres. Car depuis notre plus jeune âge, nous sommes naturellement doués pour l’adaptation créative, mais nous l’oublions (notre environnement nous le fait oublier) et nous ne développons pas cette capacité. Derrière chaque imprévu - heureux ou malheureux - se cachent une opportunité et une expérience, saisissez-les ! Osez laisser les choses se faire et improvisez, c’est à dire:

  • Remarquez davantage et ouvrez-vous: soyez curieux à ce qui se passe autour de vous, et en vous, soyez à l’affut des signes, des bruits ; 
  • Lâcher prise ou changer de prise: adoptez le principe taoïste de wu wei, le non-agir. Laissez-faire et adaptez-vous, faites juste ce qu’il faut pour que les choses se fassent d’elles-mêmes, sans forcer le résultat et en créant des conditions pour qu’il advienne tout seul ; 
  • Utilisez tout: faites appel à vos connaissances, à vos expériences, à votre environnement, à votre famille, à votre réseau ;
  • Observez, ne réfléchissez pas trop et agissez: laissez-vous guider par votre public. Devant une ou plusieurs personnes, monologue ou dialogue, il y a toujours une interaction et une écoute active du verbal et du non-verbal de votre audience !
  • Souriez, et amusez-vous ! Ancrez-vous joie et plaisir et refoulez cette handicapante peur du jugement. Ne vous enfermez pas dans cette prison du: "Que va-t-il penser ? Comment va-t-il réagir à ce propos?, etc."
Ce n'est pas parce qu'on croit qu'on à rien à dire qu'il faut fermer sa gueule, Audiard (version adaptée)
A lire: "Improviser, pourquoi l'imprévu favorise la créativité", de Robert Pynton, Ed. Pyramyd, 2019

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