Cameroun: des racines et des ailes pour notre fille

Vendredi 14 avril 2023. Après 17 heures de vol, notre carlingue touche enfin le sol de l’aéroport de Yaoundé; notre destination finale. Bruxelles, Vienne, Addis abeba, Libreville et enfin la capitale du Cameroun: un curieux itinéraire qui nous a fait économiser quelques centaines d’euros. Après ce long périple en avion, c’est le moment pour notre fille de découvrir une partie de ses racines. Il paraît que nous donnons deux choses à nos enfants: des racines et des ailes. Pour les ailes, on est bon (un BOEING 787), pour les racines: allons-y ! 

Pour moitié, le Cameroun est la terre des racines de ma compagne ; et pour un quart de celle de notre fille. Dans leurs veines coule cette hérédité africaine. Engrammés dans leur corps il y a des valeurs, des codes, des croyances, des traditions camerounaise. Consciemment ou inconsciemment il y a bien cette transmission. Nous sommes sans défense devant l'innocent et inquisiteur regard de nos enfants. Aucune armure n'est infaillible pour nos bambins, qui voient clairement au travers de leurs parents: dans les dits et les non-dits, dans les comportements et les retenus. Nous transmettons en premier lieu ce que nous sommes. Et dans le cas de ma compagne c'est un mélange d'éducation avec un parent belge et un parent camerounais. Dés lors, connaître (et avoir) ses racines est essentiel pour bien se comprendre, pour bien maîtriser le fil (et le scénario) de son histoire (de vie).

Les racines sont une partie importante des plantes et des arbres. Ce sont par elles qu’ils se nourrissent. Les racines maintiennent au sol quand tout le reste, par le vent et par l’eau, est emporté. Sans racines nous sommes sans cesse ballottés, nous manquons d’ancrage. Comment grandir et s’épanouir pleinement sans un vaste réseau racinaire ? Les arbres aux racines profondes ne sont-ils pas ceux qui montent le plus haut ? Les racines ne sont pas une chaîne, mais un envol. 

“Celui qui oublie ses racines n'atteint jamais sa destination.” Proverbe philippin 

Retrouver les indices de son passé racinaire, c'est recomposer les morceaux de son moi brisé, c'est  reconstruire le puzzle de son identité, c’est reconstituer son miroir: celui qui reflète sa véritable personne, avec ses ombres et ses lumières. 


"La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve," nous enseigne ainsi Rumi. Chercher notre vérité, c’est donc chercher ces morceaux de miroir. Car comme le disent les Soufis, nous sommes des chercheurs de vérité. Une quête sans fin: notre identité est évolutive ;  nous sommes aujourd’hui différent et pareil à ce que nous étions hier, tout comme demain est un autre jour et une nouvelle découverte de nous-même. Il faut toute une vie pour s'atteindre, pour s'apprivoiser et se connaitre.
Quelle vérité se trouvera au Cameroun ? Quelle prise de conscience ? Je ne sais pas.

Dans tous les cas j’ai cette croyance: Il n’est jamais ni trop tard, ni trop tôt: nous sommes toujours libres de choisir un futur et un passé différent. Tout est question d'interprétation et de relecture: rien ne s'écrit dans le marbre dès les premières lignes, nous pouvons faire mentir l’histoire, contourner la logique de continuité à laquelle nombre de gens croient, nous pouvons redonner un autre sens, revisiter le passé. Nous pouvons déjouer le destin, et le guider: "Chaque vie se fait son destin" (Henri-Frédéric). Le passé n‘oriente pas toujours la suite des événements. Dans le monde réel, chaque rencontre, chaque événement de vie est une bifurcation possible: nous nous influençons, continuellement et inlassablement. Nous impactons nos amis et les gens avec qui nous sommes en contact ; et vice versa. Nous sommes des êtres de “contagion”: des virus sociaux. 

 Il y a deux formes de destin : un destin vertical et un destin horizontal, Amin Maalouf

Un des objectifs de ce voyage est donc de présenter notre fille à la famille, c’est aussi une occasion de la faire entrer dans une partie de son histoire. Relier Maliya à l’une de ses racines, à l’une des branches de son arbre généalogique. "Ce qui ne peut danser au bord des lèvres, s'en va hurler au fond de l'âme" (Christian Bobin): Ce qui ne s'exprime pas s'imprime, ne rien voiler, ne rien cacher et distribuer toutes les cartes connus, sans exception. “Le destin mêle les cartes et nous jouons,” écrit Arthur Schopenhauer. Et maintenant, Maliya, à toi de commencer à écrire et ré-écrire ton récit, à toi de jouer avec tes cartes...

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